Un triomphe et trois coups durs

Publié le 3 octobre 2005 Lecture : 3 minutes.

Dénuée de tout suspense quant à son issue, la consultation référendaire du 29 septembre sur l’adoption de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale avait pour véritable enjeu l’importance de la mobilisation. Avec un taux de participation record de près de 80 %, le président Abdelaziz Bouteflika, qui est à l’initiative du projet, a donc gagné son pari. Un Algérien sur cinq seulement s’est abstenu. Est-ce à l’appel de certains partis de l’opposition ? Peu probable, hormis en Kabylie, où près de 90 % des électeurs ont boudé les urnes suite aux mots d’ordre des deux partis qui y sont fortement implantés, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, de Saïd Sadi) et le Front des forces socialistes (FFS, de Hocine Aït Ahmed). Singularité berbère ? Encore moins probable. Le record de participation – plus de 98 % – a été enregistré dans la wilaya de Khenchela, en plein pays chaoui.

Fort de ce succès, « Boutef » ne devrait pas pour autant verser dans le triomphalisme. La fin de la campagne, marquée incontestablement par l’absence de débat contradictoire et l’hégémonie manifeste du camp du « oui » dans les médias lourds, notamment la télévision publique, s’est caractérisée par trois mauvaises surprises. Deux proviennent des partisans, ou du moins de parties inscrites dans le camp du « oui ». Quant à la troisième, elle émane du FFS.
Jusqu’au 22 septembre, les arouch, ces comités de villages qui incarnent le mouvement kabyle, avaient soutenu la démarche de Boutef. Ils ont même contribué à organiser son meeting électoral à Tizi-Ouzou. Le 22 septembre, Boutef est à Constantine où il affirme que l’Algérie n’aura jamais deux langues officielles (voir page 34). Or les arouch avaient arraché l’accord du gouvernement d’Ahmed Ouyahia pour l’application d’une plate-forme de revendications parmi lesquelles l’officialisation de tamazight (langue berbère). Estimant que Boutef revenait sur un engagement pris par l’État, les arouch ont décidé, à la veille du scrutin, de boycotter le référendum et appelé à une grève générale le jour du vote.

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La seconde trahison émane de Madani Mezrag. L’ancien seigneur de guerre – il a été le chef de l’Armée islamique du salut (AIS), branche militaire du Front éponyme, autodissoute en janvier 2000 après la loi sur la Concorde civile – avait sillonné le pays pour louer les vertus de la réconciliation nationale selon Boutef. Deux jours avant le scrutin, le repenti en chef, dans une interview à la chaîne qatarie Al-Jazira, affirme que le processus référendaire est une étape vers l’édification d’un État islamique en Algérie, objectif qu’il n’a jamais abandonné. S’il voulait donner du grain à moudre aux adversaires du projet présidentiel, il ne s’y serait pas mieux pris.
Troisième coup dur enfin : l’efficacité de la campagne de Hocine Aït Ahmed. Le doyen des opposants algériens s’est répandu dans les médias nationaux et étrangers pour affirmer que le référendum promis au plébiscite avait pour seul objectif l’octroi de nouvelles prérogatives à Boutef, notamment celle de réviser la Constitution pour avoir la possibilité de briguer un troisième mandat, ce que proscrit la Loi fondamentale.
L’après-référendum devrait donc s’attacher d’abord à lever toutes les équivoques. S’agissant de l’officialisation du tamazight, il y va de la crédibilité de son Premier ministre, sans doute le plus politique et le plus efficace de ses alliés. Ahmed Ouyahia s’était engagé au nom de l’État à appliquer les revendications de la plate-forme d’El-Kseur. Un désaveu aurait des conséquences politiques imprévisibles.
Les propos de Madani Mezrag imposent une mise au point ferme. Bien qu’il ait répété à plusieurs occasions que « l’Algérie ne sera ni un État laïc ni un État islamique, mais une République démocratique et populaire », Boutef est accusé par ses détracteurs « démocrates » de faire le lit de l’islamisme sous des couverts de modernité. Le fait que la société algérienne est plus conservatrice que ne le laissent entendre les salons algérois et que Boutef demeure le seul homme politique à avoir battu les islamistes par urnes interposées n’y a rien fait.

Quant aux allégations de Hocine Aït Ahmed sur la trituration de la Constitution pour le troisième mandat, elles sont rejetées par l’entourage de Boutef, qui rappelle en passant que le second et dernier mandat du président ne s’achève qu’en 2009. Mais l’intrusion dans le débat politique de cette éventualité jetterait une suspicion sur toutes les démarches présidentielles à venir.

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