Êtes-vous bien intégré ?

Publié le 3 octobre 2005 Lecture : 3 minutes.

Les Pays-Bas prennent très au sérieux la question de l’intégration des immigrés qui se trouvent sur leur sol. Après plusieurs années de discussion, le Parlement de La Haye vient d’adopter une loi qui va rendre obligatoire un test, dit « test d’insertion civile », pour les 600 000 résidents d’origine étrangère. Il s’agit surtout de Marocains et de Turcs, plus quelques dizaines de milliers de réfugiés africains. En cas d’échec au test, l’étranger s’expose à des pénalités. Par exemple, s’il jouit d’une allocation quelconque de l’État, celle-ci pourrait être diminuée. Ce serait le cas pour l’aide au logement, pour les allocations familiales, pour les indemnités de chômage, etc.
En soi, l’idée n’est peut-être pas mauvaise, puisqu’elle devrait conduire à une plus grande intégration des populations étrangères dans le corps de la nation. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres… Nous avons eu la curiosité d’aller voir le genre de questions que ce « test d’insertion civile » pouvait contenir. Et là, il y a quelques surprises, dont voici quelques-unes :

Vos voisins ont mis la musique très fort. Que faites-vous ?
Il n’y a que trois réponses possibles :
a. j’appelle la police
b. j’appelle mon avocat
c. j’appelle une ambulance
La bonne réponse est a (« j’appelle la police »). Mais tous les Marocains que j’ai interrogés estiment qu’il devrait y avoir plusieurs autres possibilités :
d. je vais acheter un pain de sucre, je l’offre aux voisins et je me joins à la fête
e. j’appelle mes cousins Rachid, Farid et Mimoun et on casse la gu… aux voisins
f. je mets du raï dix fois plus fort. Ma chaîne hi-fi est bien plus puissante que la leur. Rira bien qui rira le dernier.

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Pour qui vote-t-on aux municipales ?
a. le bourgmestre
b. les conseillers municipaux
c. les échevins
Mes amis marocains ne savent pas trop ce que signifient les mots « bourgmestre » et « échevin », ni à quoi servent ces messieurs-dames. De toute façon, dans les pays arabes, vu le taux d’analphabétisme (hélas !), les partis sont souvent représentés par des images. Très logiquement, il devrait y avoir d’autres possibilités :
d. la vache
e. l’étoile
f. le chameau
Le jour ils préféreront la vache (hollandaise) au chameau, alors on pourra dire que les enfants du Maghreb sont bien intégrés… Ça, c’est un vrai test.

Quels papiers devez-vous avoir sur vous quand vous conduisez votre voiture ?
Là aussi, trois réponses sont possibles (permis de conduire, carte grise, etc.), mais à la grande perplexité de mes interlocuteurs, il manque les réponses les plus efficaces :
d. une histoire crédible expliquant pourquoi je n’ai pas mes papiers
e. quelques billets de banque bien discrets
f. le plus beau sourire du monde (réponse réservée aux dames)

Vous n’êtes pas satisfait par la qualité du vêtement que vous avez acheté. Pouvez-vous le rendre au magasin ?
La bonne réponse est non. Vendu, c’est vendu. C’est la loi aux Pays-Bas. Mais la loi est un âne, comme disait le bon docteur Johnson : elle est têtue sans raison. Comment peut-on prévoir la réaction de cent mille patrons de boutique, tous différents ? Selon mes interlocuteurs étrangers, le cas devrait être laissé à l’appréciation du marchand et du client. On parle, on discute, on marchande, on menace un peu, on boit du thé, on rit… Qui peut savoir d’avance le résultat de ces négociations ? La vie n’est pas un long fleuve tranquille, son scénario n’est pas écrit à l’avance.

Que dites-vous en décrochant le téléphone :
a. Votre nom
b. Allô ?
c. Vous ne dites rien.
Selon les concepteurs hollandais du test, la bonne réponse est a. Vous décrochez et vous donnez votre nom. Les Turcs et les Marocains de ma connaissance ne sont pas d’accord, mais alors pas du tout ! Ils raisonnent ainsi : la personne qui vous appelle sait très bien comment vous vous appelez, sinon, elle ne vous aurait pas appelé, non ? Donc, il faut simplement dire « allô » et attendre que l’interpelleur masqué se dévoile. Et d’ailleurs, il y a plusieurs façons de dire allô, pourquoi ne pas donner toutes les possibilités dans le test ? On aurait ainsi :
d. haaaaalo
e. alou
f. alo, alo, alo, chkoun ?

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On voit bien sur ces quelques exemples que l’insertion des étrangers n’est pas une question simple. Et franchement, sur certains points, ce sont peut-être les autochtones qui devraient s’adapter…

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