Tamazight : Bouteflika dit niet

En refusant d’officialiser la langue berbère, le président met beaucoup de monde dans l’embarras.

Publié le 3 octobre 2005 Lecture : 2 minutes.

C ‘est non ! Abdelaziz Bouteflika a opposé une fin de non-recevoir à l’officialisation du tamazight, la langue berbère. « Il n’y a aucun pays au monde possédant deux langues officielles, et ce ne sera jamais le cas en Algérie où la seule langue officielle est l’arabe », a-t-il déclaré lors d’un meeting à Constantine le 23 septembre. Première conséquence du niet du président, les délégués des arouch (les comités de villages de Kabylie) ont appelé à une grève générale le 29 septembre, jour de la tenue du référendum pour la paix et la réconciliation. Seconde conséquence : le dialogue engagé depuis plusieurs mois entre le gouvernement d’Ahmed Ouyahia et des représentants du mouvement citoyen kabyle est sérieusement compromis. « Si le président campe sur sa position et s’il maintient sa décision, nous pouvons dire adieu aux négociations avec le gouvernement », affirme un délégué de Béjaïa. Serait-ce alors le retour aux barricades et aux émeutes qui ont plongé cette partie du pays dans le chaos et l’anarchie ?
Pourtant, depuis janvier 2005, l’espoir était permis. Le gouvernement et des représentants de la population kabyle ont signé un protocole d’accord en vue de l’application des revendications contenues dans la plate-forme d’El-Kseur. Ce manifeste de quinze exigences politiques, sociales et économiques a été élaboré au lendemain d’une violente répression qui, après l’assassinat d’un jeune lycéen dans une brigade de gendarmerie de Beni Douala (Tizi-Ouzou), a fait une centaine de morts au printemps 2001. Quatre points essentiels figurent dans cette charte : le départ de toutes les brigades de gendarmerie de Kabylie ; le jugement des auteurs et des commanditaires des assassinats ; l’octroi d’un statut de martyrs à toutes les victimes de la répression ainsi que l’indemnisation de leurs familles ; enfin, l’attribution d’un statut de langue nationale et officielle pour le tamazight.
Si l’État s’est officiellement engagé à satisfaire toutes ces exigences, il reste que leur concrétisation sur le terrain tarde à venir. Certes, le Parlement a adopté en avril 2002 un texte de loi faisant du tamazight une langue nationale. Certes encore, un récent décret paru dans le Journal officiel fixe un régime d’indemnisation pour les victimes et la prise en charge des blessés et des mutilés. Mais la revendication majeure, le statut du tamazight, reste insatisfaite. Et tout porte à croire qu’il n’y aura qu’une seule langue officielle en Algérie, à moins que Bouteflika ne revienne sur les propos qu’il a tenus à Constantine.
En attendant un hypothétique revirement, la sortie du président aura mis beaucoup de monde dans l’embarras. À commencer par son chef du gouvernement. Le Premier ministre, qui s’est officiellement engagé à satisfaire toutes les exigences de la plate-forme d’El-Kseur, se retrouve dans une position intenable. Maintenir le dialogue en déjugeant le chef de l’État relève du suicide politique. Mais Ahmed Ouyahia n’est pas la seule victime de la volte-face de Bouteflika. Les délégués dialoguistes qui ont fait croire aux populations à l’imminence de la fin de la crise sont face un choix douloureux : rompre le dialogue et engager de nouveau le bras de fer avec les autorités ou continuer à discuter au risque de se faire traiter de « traîtres à la solde du pouvoir mafieux et assassin ».

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