Saye Zerbo

Président de la République de Haute-Volta de 1980 à 1982

Publié le 3 octobre 2005 Lecture : 3 minutes.

Ce n’est pas vraiment un retraité comme les autres. Troisième président de l’ancienne Haute-Volta (l’actuel Burkina), le colonel Saye Zerbo s’est emparé du pouvoir le 25 novembre 1980 en renversant le général Sangoulé Lamizana, à la tête du pays depuis 1966.
Né le 27 août 1932 à Tougan, dans la province du Samo, dans l’ouest du pays, Saye Zerbo a fait ses études primaires et secondaires au Mali et à Saint-Louis du Sénégal, avant de suivre des cours de sciences économiques et de sociologie à l’Institut africain de développement économique et social (Inades). Après avoir combattu en Indochine et en Algérie, diplôme de l’École supérieure de guerre de Paris en poche, il rentre au pays. Il devient ministre des Affaires étrangères en 1974, poste qu’il quitte en 1976, avant d’occuper la magistrature suprême quatre ans plus tard.
Dès son accession au pouvoir, Zerbo promet de mettre fin à la corruption qui mine le pays. Au sein du Conseil national des forces armées, il fait appel aux jeunes officiers Thomas Sankara, Blaise Compaoré et Henri Zongo pour le seconder. Mais le colonel prend vite des mesures impopulaires. Le chef de l’État refuse le dialogue avec les responsables politiques, bloque les salaires et suspend le droit de grève. Pour les Voltaïques habitués à écouter leurs leaders syndicaux, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
Las des abus de pouvoir de Zerbo, ses plus proches collaborateurs vont eux aussi prendre leur distance avec le chef de l’État. Thomas Sankara, alors secrétaire d’État chargé de l’Information, remet en mai 1982 sa démission de manière fracassante : « Malheur à ceux qui bâillonnent leur peuple ! » lance celui qui sera suivi peu de temps après par les capitaines Zongo et Compaoré. Le trio sera mis aux arrêts et exilé loin de la capitale.
Le 6 novembre 1982, en début d’après-midi, Saye Zerbo quitte son bureau pour regagner le camp militaire où loge sa famille. Et décide de prendre un peu de repos… À 17 heures, la présidence est isolée du monde. Des militaires ont pris position sur les artères de la capitale. C’est un coup d’État. Un nouvel homme fort prend le pouvoir : il s’appelle Jean-Baptiste Ouédraogo.
Aussitôt arrêté, Saye Zerbo est jeté en prison. Depuis sa cellule, le président déchu médite et lit le Coran des nuits entières. Il demande aussi à ce qu’on lui apporte la Bible que l’archevêque de Ouagadougou, le cardinal Paul Zoungrana, lui avait offerte lors du premier Noël suivant sa prise de pouvoir. C’est alors qu’il va avoir la révélation qui va changer sa vie. Dans un élan mystique, Saye Zerbo se met à genoux, rend grâce à Dieu et se convertit au christianisme. Toute sa famille fera de même par la suite.

En 1983, Jean-Baptiste Ouédraogo est déposé par Thomas Sankara. Malgré le changement de régime, la justice suit son cours. Condamné le 3 mai 1984 par le Tribunal populaire de la révolution (TPR), Zerbo écope d’une peine de quinze ans de prison. Toutefois, l’ex-chef d’État est autorisé à quitter sa geôle ouagalaise pour être placé en résidence surveillée à Tougan. Trois ans plus tard, Sankara, qui doute de la loyauté de Zerbo à son égard, demande à son ministre de la Justice de le convoquer de nouveau à Ouagadougou le 14 octobre 1987. Le lendemain, alors qu’il quitte la capitale pour regagner son village, le suspect apprend l’assassinat de jeune chef d’État. Blaise Compaoré lui succède. En quête de légitimité, le nouveau maître du Burkina abandonne les poursuites contre Zerbo. « Blaise continue de me consulter régulièrement sur les décisions importantes à prendre pour la Nation », explique-t-il. Signalons au passage que l’épouse du Premier ministre Ernest Paramanga Yonli n’est autre que la troisième fille de Saye : Araba Kadiatou Zerbo.
Bien qu’il ait été condamné par le TPR, Saye Zerbo a finalement été lavé de tout soupçon. Le 18 février 1997, la Cour suprême a accepté la révision de son procès. « Il en est ressorti qu’aucune des accusations pour lesquelles j’ai été condamné en 1984 n’était fondée », rappelle Zerbo, tout en précisant qu’il n’avait « ni compte à l’extérieur, ni bien enfoui quelque part dans le pays ». Aujourd’hui l’ancien président, qui vit grâce à ses pensions d’ancien militaire et d’ex-chef d’État, habite le vieux quartier Ouidi, dans une maison qu’il possède depuis 1962. C’est là qu’il travaille sur ses mémoires. Et partage son temps entre l’Église de l’Alliance chrétienne et ses champs. « Je suis un vrai paysan, dit-il. Je n’oublie pas d’où je viens. »

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