Plus vrai que vrai
Publié le 3 octobre 2005 Lecture : 2 minutes.
Les Américains raffolent des look-alike competitions. Il s’agit de concours organisés dans des bars, des cafés ou des casinos et où l’exercice consiste à exhiber la ressemblance la plus étroite avec une vedette du show-business. On compte ainsi des centaines de Barbra Streisand et des milliers d’Elvis Presley éparpillés dans la brousse entre les Appalaches et les Rocheuses. On s’amuse comme on peut. Ce n’est pas méchant et ça ne mange pas de pain, sinon d’énormes hamburgers arrosés d’hectolitres de Coca-Cola. Pourquoi pas ?
Là où les choses dérapent, c’est quand certains concurrents font appel à la chirurgie esthétique pour mieux ressembler à la star dont ils veulent devenir le clone triste. On en voit qui se font à coups de bistouri des hures de monstre alors qu’ils avaient au départ de simples têtes d’idiot.
Mais tout cela n’est rien. Le plus extraordinaire, c’est quand même cette anecdote qui remonte aux années 1950. Un jour, Charlie Chaplin apprend qu’un concours de ressemblance avec Charlie Chaplin va se tenir dans la ville où il se trouve de passage. Ne pouvant laisser passer une aussi belle occasion, l’illustre acteur s’inscrit incognito pour le concours. Il finit troisième. Étonnant, non ? Et même plus : vertigineux ! Car qu’est-ce que cela nous dit sur la question de l’identité ? Qu’il existe des gens qui nous ressemblent plus que nous-mêmes ? Mais alors qui suis-je ? Je pense donc je suis le troisième ? Je pense donc je suis un autre ?
La métaphysique au pays de Mickey ! Qui l’eût cru ?
Plus effrayant encore : il existe des gens qui ressemblent davantage à George Bush que l’actuel président des États-Unis ? Peut-être même des centaines ? Et s’ils se mettaient tous en marche vers la Maison Blanche ? Horresco referens… N’en jetez plus !
À ce propos, puisqu’on parle de sosies plus vrais que l’original, quid de l’ex-raïs irakien ? Et si le vrai Saddam Hussein avait fini troisième du concours et que les Américains et leurs alliés irakiens s’apprêtent aujourd’hui à faire passer en justice le Saddam le plus ressemblant, donc le moins vrai ? Le pauvre hère continue de jouer son rôle, persuadé qu’à la fin de la look-alike competition, il sera ovationné par la foule en délire. Au pied de l’échafaud, il se réveillera enfin en criant : « Lui, c’est lui, moi, c’est moi ! » Trop tard ! Il n’avait qu’à se faire une tête de Charlot au lieu de se faire une tronche de Saddam…
