Mort de Che Guevara

Publié le 3 octobre 2005 Lecture : 3 minutes.

C’est d’abord l’incrédulité qui prévaut dans le monde, le 9 octobre 1967, à l’annonce de la mort d’Ernesto Guevara, dit le « Che ». C’est un certain général Ovando, chef des forces armées boliviennes, qui l’aurait annoncée en début d’après-midi, en précisant qu’il
avait été « tué au combat ». Il faut dire que depuis sa dernière apparition publique en avril 1965, les rumeurs vont bon train. Et surtout depuis la lecture par Fidel Castro de la lettre d’adieu qu’il lui avait adressée avant de « disparaître » : « D’autres terres dans le monde réclament mes modestes forces » Dès lors, on signale le Che dans plusieurs régions à la fois, au Congo-Brazzaville, à Stanleyville (aujourd’hui Kisangani), au Vietnam, au Mexique, au Pérou, en Argentine Aux États-Unis, on le déclare même mort, abattu dans les rues de Ciudad-Nueva, à Saint-Domingue, aux côtés des forces constitutionnalistes du colonel Camano.

Cette chasse au fantôme finit par décider les dirigeants cubains, en avril 1967, à lever un coin du voile. Ils communiquent à la presse six photos et un texte que Guevara vient de faire parvenir au capitaine Osmany Cienfuegos : « Il faut détruire l’impérialisme par l’élimination de son bastion le plus fort : la domination des États-Unis. Il faut pour cela créer deux, trois, plusieurs Vietnam, pour obliger l’impérialisme à disperser ses forces. Peu importe le lieu où me surprendra la mort. Qu’elle soit la bienvenue, pourvu que notre appel soit entendu, que d’autres mains se tendent pour empoigner nos armes… » Deux, trois, plusieurs Vietnam… Une théorie sommaire et catastrophiste, certes, mais dont l’extrême gauche internationale, et surtout celle d’Amérique latine, ne tardera pas à s’emparer.
Mais cette fois, aucun démenti ne viendra contredire l’annonce du général Ovando. Fidel Castro en personne confirme la nouvelle. « La mort du commandant Guevara est douloureusement certaine… », déclare-t-il six jours plus tard. Quant à la CIA, elle ne doute pas un instant de l’authenticité de l’information, et pour cause… Ses agents assistent à la fin de l’équipée bolivienne du Che : ils encadrent les rangers boliviens lancés aux trousses du Comandante. Onze mois d’une traque implacable, dans une région désolée et torride du Sud-Est bolivien. Guevara, asthmatique depuis toujours, est épuisé. Ses dix-sept guérilleros – pas un de plus – manquent de tout. Au lieu de se joindre à eux, comme l’espérait Guevara en faisant le choix de la Bolivie, les paysans fuient à leur approche… ou informent l’armée de leur passage. Harassée, affamée, privée du soutien logistique promis par le Parti communiste bolivien, la petite bande est finalement encerclée, le 8 octobre au matin, dans la gorge du Yuro. Guevara, blessé à la jambe, est enfermé dans la petite école du village voisin de La Higuera. Le lendemain, le sergent Teran reçoit l’ordre de l’exécuter, sans le défigurer. Pour que la preuve de son décès soit irréfutable. Ainsi périt, à 37 ans, d’une mort à la fois héroïque et misérable, celui qui apparut vite, trop vite peut-être, dès la prise de La Havane en 1959, comme l’alter ego de Fidel Castro. « Che » : c’est la manière familière de désigner les Argentins en Amérique latine, car ils ponctuent toutes leurs phrases avec ce petit mot. C’est donc le surnom que Fidel Castro et ses compagnons ont donné à Ernesto Guevara de la Serna lorsqu’il se joint à eux, au Mexique, avant l’embarquement clandestin pour Cuba en janvier 1957.

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Devenu gouverneur de la Banque centrale de Cuba, c’est de ses trois lettres qu’il signe les nouveaux billets de l’État révolutionnaire. Une provocation de plus pour Washington qui voyait en lui un agent du communisme dans le mouvement castriste. Mais s’il est vrai que le Che était un marxiste convaincu, quand Fidel Castro ne l’était pas encore, il s’est toujours heurté, en tant que ministre de l’Industrie, aux tenants d’un modèle importé d’Union soviétique.
Quant au foquisme (de foco, foyer en espagnol), son apport théorique personnel, on sait aujourd’hui où cette stratégie de généralisation de la lutte armée a conduit : à l’instauration de dictatures militaires réprimant dans le sang la menace communiste. Ce fut le cas en Uruguay, au Salvador, en Argentine et même au Brésil, en 1964. Inutile pour « l’impérialisme » de « disperser ses forces », les escadrons de la mort se chargent du travail.
Il n’en demeure pas moins qu’en renonçant à tout, en particulier aux honneurs, lui qui avait représenté Cuba dans les plus hautes instances internationales, en faisant à nouveau le choix du maquis, de la lutte armée et des privations, le Che restera toujours le symbole de celui qui voulait rester un libérateur, plutôt que devenir un oppresseur.
Le mythe du « Che » tient à cela. Et aussi, il est vrai, à ce beau visage au regard ardent, immortalisé par le photographe cubain Korda.

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