Moi, Germaine, 19 ans, père de famille et kamikaze

L’un des auteurs des attentats de Londres raconté par son épouse.

Publié le 3 octobre 2005 Lecture : 2 minutes.

Jeudi 7 juillet, 7 h 21. Début de matinée pluvieux à Luton, dans la banlieue nord de Londres. Germaine Lindsay, 19 ans, quitte son appartement d’Aylesbury. Sans bruit, pour ne pas réveiller sa femme. Il laisse les clefs sur la table, sachant qu’il n’en aura plus besoin. À 8 h 30, il arrive à la station de métro de King’s Cross et embarque sur la Picadilly Line. À 8 h 51, en même temps que ses trois complices disséminés dans les transports londoniens, il actionne le détonateur de la bombe qu’il porte contre lui. Vingt-sept personnes sont tuées.
Retour à Aylesbury. Samantha, la femme de Germaine, se réveille. Enceinte de huit mois, elle doit s’occuper de son fils de 1 an. La veille, elle s’est disputée avec son mari, qui lui a ensuite envoyé un SMS : « Je t’aimerai toujours. Nous serons ensemble pour toujours, si Dieu le veut. » Très vite, elle découvre, horrifiée, les attentats à la télévision. « J’ai pleuré devant le spectacle de ces gens qui cherchaient un membre de leur famille disparu. Je ne pouvais pas imaginer que ce que je voyais avait un rapport avec moi », déclarera-t-elle par la suite au Sun, le plus vendu des tabloïds anglais. Habituée aux longues absences de Germaine, qui se rend souvent dans des mosquées du nord de l’Angleterre (elle l’avait même soupçonné d’avoir une liaison), Samantha ne s’inquiétera de son absence qu’après plusieurs jours. Lorsqu’elle se résout enfin à appeler le numéro spécial mis en place par la police, on lui apprend que son mari est l’un des terroristes. Elle se refuse à y croire. Jusqu’au moment où les enquêteurs lui montrent une vidéo où l’on voit Germaine monter dans le train à Luton. Le monde s’effondre. Elle qui a toujours cru que son mari était « quelqu’un d’innocent et naïf », un « homme simple » ! Le matin fatidique, lorsque le kamikaze a quitté le domicile, elle se rappelle l’avoir entendu embrasser leur fils. Une dernière fois.
Germaine, ou plutôt Jamal, le nom qu’il s’est choisi après sa conversion à l’islam, a rencontré sa future femme au cours d’une manifestation contre la guerre en Irak. La jeune fille s’est elle aussi convertie, à 17 ans, en même temps qu’elle entrait à l’École des études africaines de l’Université de Londres. Une conversion que ses parents (un soldat britannique et une protestante irlandaise) n’ont jamais acceptée. Militante d’Amnesty International, elle est séduite par ce beau garçon d’origine jamaïcaine qui rêve de devenir avocat spécialiste des droits de l’homme. Après un mariage religieux, le couple vit dans le West Yorkshire, puis s’installe à Aylesbury, où naît leur premier enfant. Sa petite soeur est née quelques semaines après les attentats. « Un jour, il faudra bien que je leur dise ce que leur père à fait », souffle-t-elle.

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