Les prix flambent,la rue s’embrase

La hausse brutale des prix des hydrocarbures a provoqué deux jours d’émeutes à Moroni.

Publié le 3 octobre 2005 Lecture : 3 minutes.

L’annonce de l’augmentation des prix de l’essence et du gasoil, le 22 septembre, a provoqué des heurts très violents à Moroni et dans ses environs. Des émeutes qui ont duré deux jours et se sont soldées par la mort d’une personne, dans la capitale – un innocent victime d’une balle perdue -, et par une quinzaine de blessés.
Le 23 septembre, des manifestants en colère ont dressé des barricades et brûlé des pneus pour bloquer la circulation en ville. Ils ont également barré les accès à l’aéroport d’Hahaya. Quelques petits groupes d’émeutiers s’en sont pris aux habitations de plusieurs personnalités politiques. La résidence de fonction de Rachid Ben Massound, le vice-président de l’Union comorienne, a été incendiée, tout comme celle de Houmed Msaidié, le directeur de cabinet du président Azali Assoumani, qui avait justifié, sur les ondes de la radio nationale, l’augmentation des prix des hydrocarbures. Mzé Abdou Soulé El Bak, le président de l’île autonome de Ngazidja (Grande Comore) en conflit avec le gouvernement central de l’Union, a aussi été pris pour cible. Les manifestants l’ont hué alors qu’il allait à leur rencontre. « C’est l’ensemble de la classe politique qui est discrédité, explique un témoin de la scène. Les arriérés de salaires s’accumulent, certains agents de l’État n’ont pas été payés depuis plusieurs mois, et les prix augmentent. Alors que le ramadan doit commencer le 4 octobre, on demande aux gens de se serrer la ceinture, mais nos gouvernants continuent de mener grand train… »
Les Comores font face à une crise financière aiguë depuis le début de l’année. Les cours de la vanille verte, principale ressource à l’exportation du pays, se sont effondrés en 2005. Le kilo se négocie actuellement aux alentours de 1 000 francs comoriens (2 euros), contre 10 000 FC l’an passé. À l’inverse, les prix des produits de consommation courante ont explosé. Celui du sucre a doublé, passant de 300 à 600 FC. Mais ce sont les augmentations de 350 à 600 FC du gasoil et de 500 à 700 FC de l’essence qui ont véritablement provoqué l’ire de la population. Décidée dans l’urgence parce que la Société nationale des hydrocarbures (SNH), qui gère les importations, redoutait de ne pouvoir honorer ses engagements, la hausse des tarifs des carburants a beaucoup de mal à passer. « Le problème est complexe, explique un proche du dossier, car la SNH vendait doublement à perte. Aux particuliers, bien sûr, mais aussi à la Ma Mwe, la société d’électricité, qui achète son gasoil à 150 FC. Le gouvernement a trop temporisé avant de décider d’une hausse et aurait dû présenter des mesures d’accompagnement substantielles. »
Circonstance aggravante : l’annonce de la hausse s’est faite alors que le chef de l’État, accompagné d’une importante délégation, était en voyage. Son absence du pays l’a empêché de prendre la mesure de la colère populaire et d’éteindre l’incendie pendant qu’il en était encore temps, l’armée n’étant intervenue que le 24. Rentré deux jours plus tard, Azali Assoumani a réuni un conseil de crise pour étudier la situation et tenter d’y apporter des réponses. Pendant ce temps, Moroni observait une « opération ville morte » : tous les commerces avaient baissé leur rideau, en signe de protestation. Gouvernement et syndicats devraient cependant reprendre contact, et on peut raisonnablement penser que les mesures présentées le 22 septembre devraient être assouplies. C’est d’ailleurs ce que laisse entendre un haut responsable comorien en posant la question : « Peut-on faire autrement que reculer ? », avant d’y répondre franchement : « L’exaspération est trop forte. S’il n’est jamais bon de céder sous la pression de la rue parce que cela sape davantage encore l’autorité de l’État – et le nôtre n’en a vraiment pas besoin -, s’entêter serait suicidaire. Il va falloir racler les fonds de tiroir pour parer au plus pressé, essayer de payer les salaires avant le début du ramadan, et en appeler à nos partenaires internationaux pour qu’ils nous aident à passer ce cap difficile, explique celui-ci, qui conclut : sur le plan politique, l’affaire pourrait aussi avoir des conséquences. Le président pourrait être tenté de sacrifier Maoulana Charif, le ministre d’État chargé de l’Économie, devenu très impopulaire.

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