Le cas Abdoulaye Diop

Après l’incarcération d’Idrissa Seck, le ministre des Finances va-t-il être inculpé ?

Publié le 3 octobre 2005 Lecture : 3 minutes.

Va-t-il démissionner ? A-t-il été lâché par le chef de l’État ? Va-t-il à son tour être inculpé et placé sous mandat de dépôt ? Ces questions taraudent les esprits, depuis la violente sortie médiatique contre le ministre de l’Économie et des Finances, Abdoulaye Diop, de Nafi Ngom Keïta. Cette inspectrice générale d’État, auteur du rapport sur les chantiers de Thiès à l’origine de l’incarcération de l’ex-Premier ministre Idrissa Seck, et de l’ancien ministre de la Construction et du Patrimoine bâti, Salif Bâ, est sortie de sa réserve le 21 septembre, pour s’attaquer au grand argentier sur les ondes d’une radio privée dakaroise. Après avoir accusé Abdoulaye Diop de lui avoir « fait une offre » pour influencer le contenu de son rapport, elle l’a accablé de divers manquements à l’orthodoxie financière dans la conduite des chantiers de Thiès. Avant de s’étonner qu’il soit toujours en liberté, alors que Seck et Bâ sont sous les verrous.
Émanant d’une femme réputée proche d’Abdoulaye Wade, issue d’un corps directement rattaché au président de la République, ces propos avaient de quoi étonner. Mais il en faut plus pour déstabiliser Diop, qui se trouvait à l’étranger et qui, contre l’avis de ses proches, a refusé d’interrompre une mission qui l’a mené de la réunion des ministres des Finances des pays de la zone franc, à Paris, aux assemblées annuelles du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, à New York, du 18 au 26 septembre.
De retour à Dakar, Abdoulaye Diop a gardé le silence, invoquant son devoir de réserve. En fait, le ministre des Finances a adopté un comportement singulier depuis l’éclatement de l’affaire des chantiers de Thiès. Alors que tous ses collègues ruent dans les brancards et rivalisent de formules pour exprimer leur soutien au chef de l’État, et attaquer son homme de confiance aujourd’hui en disgrâce, Idrissa Seck, lui se garde de toute déclaration.
Il n’empêche : le 3 août, lors du vote de la résolution de mise en accusation des personnalités citées dans le rapport de l’Inspection générale d’État, l’Assemblée se prononce pour l’inculpation d’Idrissa Seck et de Salif Bâ, mais s’oppose à un projet de résolution incluant Abdoulaye Diop parmi les personnes poursuivies. Au grand dam de l’opposition, qui ne comprend toujours pas que l’ordonnateur des dépenses soit tenu à l’écart de cette affaire dans laquelle on allègue des surfacturations pour un montant de plus de 17 milliards de F CFA. Selon ses proches, Diop a sauvé sa tête en tapant sur la table, jurant qu’il ne sombrerait pas seul. Alors que les scandales financiers se succèdent, la mise en garde du ministre ne pouvait qu’être prise au sérieux.
Dans ce contexte où il ne fait pas bon être catalogué « pro-Idy » (partisan de l’ex-Premier ministre), Abdoulaye Diop est l’un des rares à assumer ses relations avec Idrissa Seck. À ceux qui l’interpellent sur le sujet, il répond, invariablement : « Je ne suis pas pro-Idy. Je suis le frère d’Idy. »
Il est vrai que leurs rapports remontent à leur enfance à Thiès, où ils sont nés et ont grandi. Quand, au lendemain de l’alternance de mars 2000, Abdoulaye Wade cherche des « hommes de confiance » à placer à la tête des administrations financières, Idrissa Seck, son tout-puissant directeur de cabinet d’alors, fait venir Abdoulaye Diop, inspecteur du Trésor, à la tête du ministère délégué chargé du Budget. Avant de le proposer, avec succès, en mai 2001, au poste de ministre de l’Économie et des Finances. Des gestes que Diop et ses proches n’ont pas oubliés. Certains membres de sa famille lui auraient ainsi suggéré de démissionner, au lendemain de l’arrestation de Seck, le 15 août dernier.
Le 8 septembre, convoqué en qualité de témoin par la commission d’instruction chargée du dossier des chantiers de Thiès, il a fait une déposition qui a choqué la présidence. Selon nos informations, le ministre a alors réitéré ses propos tenus quelques mois plus tôt devant les députés, déclarant que les chantiers de Thiès avaient coûté 40 milliards de F CFA (et non 46 milliards, montant sur la base duquel Seck et Bâ ont été inculpés) et que l’ex-Premier ministre n’était en rien responsable de la gestion directe de ces fonds. Jusqu’à quand les « documents » que, dixit ses proches, Abdoulaye Diop détient vont-ils le protéger ?

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