Algérie : pourquoi le président Tebboune gèle les nouvelles taxes
Après avoir approuvé de nouveaux prélèvements dans le projet de loi finances 2022, l’exécutif algérien fait machine arrière, alors qu’une poussée inflationniste grève le pouvoir d’achat des populations.
Rétropédalage. Dans une réunion du Conseil des ministres le 13 février, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a décidé le gel « à compter d’aujourd’hui et jusqu’à nouvel ordre, de tous les impôts et les taxes, notamment les taxes contenues dans la loi de finances 2022 sur certains produits alimentaires ». Le président algérien a également ordonné « la suppression de tous les impôts et taxes sur le e-commerce, les téléphones portables, les matériels informatiques à usage personnel et les start-up en se contentant des tarifications réglementées ».
Pour rappel, la loi de finances a été votée par les députés le 17 novembre 2021, puis approuvée par le 25 du même mois par le Conseil de la nation (chambre haute) et a été publiée au Journal officiel le 30 décembre. Elle prévoyait de soumettre les ventes de sucre brut à un taux de TVA de 9 % mais surtout de mettre fin au système de subventions généralisées des produits de base, bénéficiant à toute la population depuis la fin des années 1960.
Plus de 12 milliards de dollars de « transferts sociaux »
Ces « transferts sociaux » ont permis aux Algériens, tous revenus confondus, de bénéficier d’une éducation et de soins gratuits, mais aussi de logements extrêmement bon marché. De même, depuis la loi finance du 31 décembre 1990, les produits et services de base (pain, semoule, sucre, huile, eau, électricité, gaz, transports…) ont été fortement subventionnés par l’État. « Le montant des transferts sociaux oscille entre 12 et 14 milliards de dollars par an. Ce chiffre doit être revu à la baisse, d’une manière ou d’une autre, sans pour autant attenter aux pauvres et aux indigents dans notre pays », avait expliqué en septembre dernier le président Abdelmadjid Tebboune.
Pour éviter que la fin de cette politique sociale n’impacte le pouvoir d’achat des Algériens, le gouvernement avait prévu, toujours dans la loi de finances 2022, la mise en place d’un « dispositif national de compensation monétaire au profit des ménages qui y sont éligibles ». Concernant les prix des produits subventionnés, l’instauration d’un « dispositif en vue de fixer les indemnités destinées au profit des familles habilitées au transfert monétaire direct » est également prévu par le texte.
Mais, « en octobre 2021, l’indice des prix à la consommation avait augmenté de 9,2 % en glissement annuel, un sommet depuis 2012 », rappelait la Banque mondiale fin décembre dans un rapport sur l’économie algérienne. Dans un tel contexte, l’introduction de nouvelles taxes, même couplée à des mesures compensatoires, n’est plus jugée opportune, semble-t-il, du côté de l’exécutif. D’où la décision présidentielle de geler ces nouvelles taxes. Dans le détail, sur un an, la hausse des prix des biens alimentaires et des produits agricoles frais atteint 16 %, celle des biens manufacturés 6,2 %, la progression est plus mesurée pour les services, à 2,3 %, selon les données de la Banque d’Algérie.
Contrôle des subventions
Pour prévenir l’érosion du pouvoir d’achat de la population, Alger compte également faire prendre en charge par l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) le différentiel entre les prix à l’international – en nette progression – et ceux appliqués aux « produits destinés aux citoyens ». Enfin, l’exécutif prévoit de « renforcer davantage le contrôle sur les subventions dans le secteur de l’agriculture et de l’élevage de bétail » et ce afin d’assurer « une stabilité des prix ».
Selon l’agence de presse officielle APS, « plusieurs citoyens se sont félicités unanimement de cette décision la qualifiant de courageuse ». Reste à savoir combien de temps la suspension des nouvelles mesures fiscales sera maintenue face au risque inflationniste. Selon la Banque mondiale, la hausse moyenne de l’Indice des prix à la consommation, estimée à 7,3 % en 2021, ne devrait reculer que de 0,5 point à 2022 à 6,8 % pour s’établir à 6,6 % en 2023. En 2019, elle n’était que de 2 %. Entre-temps, la dette du gouvernement central, qui a bondi de 45,6 % du PIB en 2019 à 55 % en 2021 est attendue – au stade actuel des prévisions – à pas moins de 65 % de la production nationale à l’horizon 2023.
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