Dans le couloir de la mort

Le 10 octobre, la Journée mondiale pour l’abolition de la peine capitale sera consacrée plus particulièrement à l’Afrique.

Publié le 3 octobre 2005 Lecture : 3 minutes.

Le 10 octobre, à l’occasion de la Journée mondiale consacrée à l’abolition de la peine capitale, la Coalition mondiale contre la peine de mort concentre ses efforts sur l’Afrique. À cette occasion, elle a lancé la signature d’un appel aux chefs d’État africains en faveur de son abandon. « La Coalition a choisi l’Afrique comme cible principale, car l’on y constate depuis deux ans des évolutions très positives », indique Michel Taube, président d’Ensemble contre la peine de mort (ECPM), qui assure le secrétariat de la Coalition. En effet, en 2004, seuls trois pays ont procédé à des exécutions : l’Égypte, le Soudan et la Somalie. La moitié des pays africains ont décrété un moratoire sur les exécutions ou sont abolitionnistes de facto, n’ayant pas exécuté de prisonniers depuis au moins dix ans. En 2004, le Sénégal y a renoncé sous l’impulsion du président Abdoulaye Wade. « Le pays n’avait plus exécuté depuis 1967, mais il fallait ce geste symbolique et juridique. Après la Turquie, le Sénégal devient ainsi le deuxième pays à majorité musulmane à supprimer la peine capitale », précise Michel Taube. Qui poursuit : « Un autre acte fort est venu de l’Ouganda. Le 10 juin 2005, la Cour constitutionnelle ougandaise a commué en peines de prison les 457 condamnations à mort recensées dans le pays. La Cour a voulu sanctionner l’automaticité des condamnations à mort par les magistrats, jugeant que la détention dans le couloir de la mort était dégradante et inhumaine. Aujourd’hui, il n’y a plus de condamnés à mort dans les prisons du pays. »
Sur les 53 États du continent, 12 ont aujourd’hui définitivement opté pour l’abolition. Certains exemples sont encourageants. Ainsi, la Sierra Leone doit en débattre dans le cadre de son processus de réconciliation nationale. Le statut du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, qui exclut la peine capitale pour les auteurs des crimes les plus graves, est un exemple à suivre pour le pays, à l’instar du statut du Tribunal pénal international d’Arusha pour le Rwanda.
La Coalition mondiale a appelé à la mobilisation générale le 10 octobre. Alors que plusieurs actions ont lieu en Afrique subsaharienne, la section allemande d’Amnesty International prévoit de lancer une campagne concernant le Nigeria et l’Ouganda. Radio Ouganda doit consacrer une heure de ses programmes au sujet. Au Congo, le groupe de Pointe-Noire d’Amnesty organise un débat sur l’historique de la peine capitale et une visite des lieux de détention. Mais c’est en République démocratique du Congo (RDC) que l’on trouve le plus de manifestations. Le Comité des observateurs des droits de l’homme doit diffuser une pétition adressée au président de la République demandant l’abolition de la peine de mort, qui sera remise à Joseph Kabila le 19 octobre prochain. À Kisangani, l’Association des jeunes Congolais pour la sauvegarde des droits des enfants et des déshérités et l’orchestre Abd Fire organisent une exposition et un concert gratuits. À Kinshasa, la Coalition congolaise contre la peine de mort organise une semaine de mobilisation à partir du 6 octobre. Son président, l’avocat Me Liévin Ngondji Ongombe, explique : « Nous souhaitons réveiller l’attention des défenseurs des droits de l’homme congolais et rappeler aux décideurs que nous existons. Nous souhaitons attirer l’attention sur les quelque 180 personnes condamnées à mort par la Cour d’ordre militaire, dissoute par la loi de novembre 2002. Ces prisonniers sont doublement condamnés, car ils ne peuvent porter de recours devant la nouvelle Cour et croupissent en prison. Depuis que j’ai commencé la lutte, en 2001, il y a eu une évolution positive, et la question préoccupe les Congolais. Mais il faut du temps, car nous sommes encore largement incompris, par les intellectuels, le gouvernement et la population. »
Quant à Michel Taube, il note que « l’Afrique est souvent oubliée des grands mouvements internationaux de défense des droits de l’homme. Or nous pensons que le développement du continent doit passer par un plus grand respect des droits humains. Nous faisons la connexion entre l’abolition, de meilleures conditions de jugement et un développement global des États. Vingt-sept pays africains sur 53 appliquent encore la peine de mort ou n’ont pas les conditions juridiques minimales requises pour la tenue de procès équitables. Nous souhaitons appuyer les évolutions positives et convaincre d’autres pays à s’engager sur la voie de l’abolition. »

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