Casablanca, ville ouverte

Zakya Daoud propose un autre regard sur une cité en agitation perpétuelle.

Publié le 3 octobre 2005 Lecture : 3 minutes.

Violence, misère, pollution, bruit, gigantisme désordonné… oui, mais pas seulement ! Avec ses cinq millions d’habitants, Casablanca est aussi pleine de dynamisme, de vitalité, de générosité.
Après Varsovie, Budapest, São Paulo, Rio de Janeiro et Pékin, la collection « Villes en mouvement » des éditions Autrement a choisi de faire escale dans la mégapole marocaine pour aller à la rencontre de ceux qui, de tous horizons et dans tous les domaines, dessinent le visage neuf, insolite ou méconnu, de cette cité en agitation perpétuelle.
Des citoyens s’efforcent de renforcer le lien social, d’autres luttent pour préserver la mémoire de lieux et de monuments chargés d’histoire, d’autres encore entretiennent la diversité culturelle dans toutes ses formes d’expressions.
C’est bien l’âme de la ville – parfois difficile à saisir pour ses propres habitants, et plus encore pour le visiteur pressé – que nous restitue l’écrivain-journaliste Zakya Daoud dans Casablanca en mouvement. L’ouvrage, illustré par les photographies de Souad Guennoun, décrit les origines et l’évolution de ce qui est devenu aujourd’hui la capitale économique du pays, et brosse avec sensibilité le portrait de vingt-cinq Casablancaises et Casablancais, membres éminents ou acteurs moins connus de la société civile, résolument engagés en faveur de leur ville et de leurs concitoyens. On retrouve notamment Noureddine Ayouch, publicitaire et président de la fondation Zakoura pour le microcrédit ; Aïcha Echenna, assistante sociale et fondatrice de l’association Solidarité féminine. Les « gardiens du temple » : Abderrahim Berrada, avocat et défenseur des droits de l’homme ; Marie-Louise Belarbi, éditrice, libraire et mécène du livre. La génération montante : les journalistes Ahmed R. Benchemsi et Maria Daif ; le cinéaste Nabyl Ayouch.
L’auteur nous entraîne dans les rues, le passé, les espoirs et les problèmes de Casablanca ou Dar el-Beïda (« la maison blanche », en arabe), qui, à l’image de nombreuses grandes villes du Tiers Monde, est paradoxale à plus d’un titre. À la fois moderne et conservatrice, occidentale et paupérisée, ses socles sont anciens mais elle est définitivement tournée vers l’avenir. Synthèse d’influences diverses, melting-pot par excellence, elle a connu nombre d’avatars liés à son histoire, de l’Antiquité à la période coloniale.
D’anciens vestiges témoignent encore de ce qui semble aujourd’hui un âge d’or révolu. Dominant l’Atlantique, les constructions blanches de Casa se développaient de manière anarchique jusqu’au début des années 1920. C’est au cours de cette période que le maréchal Lyautey dessine complètement la ville et fait appel à des urbanistes et à des architectes prestigieux qui édifient des immeubles et des villas art-déco, modern style ou néomauresques. La ville, qui depuis n’a cessé de s’étendre à l’infini en même temps qu’augmentait le nombre de ses habitants, a conservé la configuration conçue par Lyautey. Tout comme le Paris du baron Haussmann.
Au fil des descriptions, la toponymie témoigne de son caractère cosmopolite : Gauthier ; Racine ; Molière ; Passy ; les Habous ; Bourgogne ; Lusitania ; Ben M’sick ; Californie ; Polo ; l’Hermitage ; Alsace-Lorraine ; Ain Diab ; La Gironde ; Longchamp ; Galilée ; Quatrième-Zouave… autant de quartiers, de boulevards ou de rues aux noms évocateurs, amusants, ou insolites. Sans omettre le café Marcel-Cerdan, du nom de l’ancien champion de boxe enterré à Casablanca – où il a d’ailleurs vécu ses amours avec Édith Piaf.
Dar el-Beïda et ses vestiges des temps anciens du protectorat, ses fleurons architecturaux, ses avenues bordées d’une double rangée de palmiers et ses luxueuses villas abritées derrière leurs remparts d’hibiscus et de bougainvilliers contrastent avec les quartiers populaires avec lesquels ils sont souvent mitoyens. Ruelles traditionnelles, souks, derbs et douars composent également le paysage urbain. Et, bien sûr, il y a aussi le Twin Center, les deux hautes tours jumelles qui donnent des airs de Manhattan au quartier du Mâarif. « Casablanca, c’est à la fois Chicago, pour le gigantisme, les buildings de l’avenue des FAR, et La Havane, pour le charme quasi créole de son bord de mer, ses plages, sa Corniche émaillée de piscines chic et de night-clubs. C’est aussi Le Caire, pour la misère de ses banlieues. C’est, enfin, le New York de Sur les quais, par sa dominante ouvrière », explique Zakya Daoud.
Et lorsqu’elle évoque les plages, les music-halls et les guinguettes, l’insouciance et la joie de vivre des années 1930 à 1970, on en deviendrait presque nostalgique ! Loin des clichés de Casablanca, le film mythique de Michael Curtiz avec Ingrid Bergman et Humphrey Bogart (tourné en studio), cette métropole est en réalité « vibrante et multiple, inachevée et brouillonne, à la fois créatrice et destructrice. Mais son effervescence et sa vitalité sont prometteuses d’avenir. » Un ouvrage concret, vivant et foisonnant… à l’image de la cité chérifienne.

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