Baroud de déshonneur

Publié le 3 octobre 2005 Lecture : 2 minutes.

Une Range Rover maculée de sang… Une jeune femme blonde grièvement blessée transportée sur un brancard… Diffusée en boucle sur toutes les chaînes de télévision satellitaires arabes, la scène se passe le dimanche 25 septembre à Jounieh, un quartier à dominante chrétienne du nord de Beyrouth. Journaliste vedette de Lebanese Broadcasting Corporation (LBC), une télé libanaise privée, May Chidiac s’apprêtait à sortir d’un parking quand sa voiture a explosé. Transférée à l’Hôtel-Dieu, l’hôpital français de la capitale libanaise, elle a dû être amputée d’une jambe et d’une main. Sa vie est sauve, mais définitivement gâchée. C’est le quatorzième acte terroriste depuis onze mois au Liban. Dans presque tous les cas, le mode opératoire a été le même : attentat à la voiture piégée.
Quelques heures avant l’explosion, May Chidiac avait tenu des propos qui, après coup, apparaissent prémonitoires. Recevant le politologue Sarkis Naoum dans Naharkoum Saïd (« Bonne journée »), son talk-show matinal, elle avait, de sa voix douce, dénoncé la flambée de violence en cours dans le pays. Mais de là à imaginer qu’elle-même puisse être la cible des terroristes… Elle n’avait évidemment pas le poids politique d’un Rafic Hariri, l’ancien Premier ministre assassiné en févier 2005. Ni même d’un Marwane Hamadé, le parlementaire proche du leader druze Walid Joumblatt, qui, quatre mois plus tôt, n’avait échappé aux tueurs que par miracle. Son cas ne peut même pas se comparer à celui de Samir Kassir, l’éditorialiste du quotidien An-Nahar, éliminé au moins de juin : lui, au moins, passait son temps à dénoncer la mainmise syrienne sur le Liban. Et encore moins à celui de Georges Haoui, l’ex-secrétaire général du Parti communiste, pas franchement plus bienveillant à l’égard de Damas.
Divorcée sans enfant, May Chidiac, 40 ans, qui avait débuté sa carrière à la Voix du Liban, station de radio lancée par les Phalangistes en 1975, au tout début de la guerre civile, était devenue une star de l’info. Ses invités étaient tous logés à la même enseigne : sourire charmant, mais questions audacieuses. Et rien dans la démarche professionnelle de cette maronite polyglotte passionnée de politique ne trahissait quelque esprit partisan. Même si personne n’ignorait ses affinités avec les Forces libanaises (FL) de Samir Geagea. Ne l’a-t-on pas vue, le printemps dernier, danser la dabka avec un groupe de jeunes gens qui célébraient la libération du leader des FL, quelques mois après le départ de ses geôliers syriens ?
Qui sont les auteurs de cette agression ? Plusieurs hypothèses ont été avancées. La plus vraisemblable : l’attentat ferait partie d’une contre-offensive désespérée de « poches de résistance » du système politico-sécuritaire mis en place durant la période de la tutelle syrienne. Leur but : semer la peur. Objectif atteint : une bonne partie de la classe politique s’est déjà mise à l’abri en élisant domicile momentanément à Paris alors que le peuple vit dans la psychose des attentats. La publication, prévue en octobre, du rapport de la commission d’enquête onusienne sur l’assassinat de Hariri, qui serait accablant pour le régime de Damas et ses relais libanais, risque de faire monter la tension d’un cran. Quoi qu’il arrive, des attentats comme celui perpétré contre la star de LBC resteront ce qu’ils sont : épisodes douloureux mais honteux d’un combat d’arrière-garde.

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