Canaries : « Les relations avec l’Afrique sont une priorité »
Ángel Víctor Torres, le président de la communauté autonome espagnole, revient sur l’importance des relations avec le continent pour le développement économique de l’archipel et son intégration régionale.
En juillet 2019, Ángel Víctor Torres est nommé à la tête de l’exécutif canarien. Socialiste bon teint, il met alors fin à plus de deux décennies de gestion autonomiste et porte notamment un regard soutenu vers un voisin africain synonyme de développement économique pour l’archipel. Avec un axe fort, dessiné par cet ancien enseignant de 56 ans, autour des échanges de connaissances que peuvent apporter les Canaries à leurs partenaires africains.
Jeune Afrique : Comment qualifieriez-vous les relations entre les îles Canaries et l’Afrique ?
Ángel Víctor Torres : Nous sommes la seule collectivité espagnole à disposer de son propre réseau extérieur au Maroc, au Sénégal, en Mauritanie et au Cap-Vert, ainsi que de sa propre direction exclusivement consacrée à nos relations avec le continent. Près de 150 entreprises canariennes sont établies dans l’un de ces quatre pays, avec lesquels nous entretenons les relations institutionnelles et commerciales les plus étroites. Cela fait de l’Afrique le deuxième marché pour nos exportations, derrière l’Europe.
Au cours des deux dernières années, nos relations avec le continent sont devenues encore plus fortes, encore plus larges, notamment parce que nous nous engageons désormais auprès de pays tels que la Côte d’Ivoire, le Ghana ou le Nigeria, véritables moteurs de l’économie africaine.
Avez-vous fait de ces relations une priorité de votre mandat ?
Elles sont prioritaires de par leur importance pour notre économie, ainsi que pour notre stabilité politique et notre intégration régionale. Pour la première fois dans l’histoire de nos relations avec le continent, nous venons de publier notre plan stratégique Canaries-Afrique pour les deux prochaines années. Il est organisé autour de quatre axes : diplomatie économique et coopération territoriale, développement de l’innovation, formation et transfert de connaissances, et enfin information stratégique.
Les Canaries doivent devenir un centre de transfert de compétence, en connectant notre économie aux écosystèmes innovants d’Afrique
Jusqu’à présent, nous avons essentiellement travaillé sur le rôle de plateforme logistique que jouent les îles Canaries vers l’Afrique. Nous souhaitons aussi développer celui de plateforme de connaissances, car nous pensons que nous avons beaucoup à apporter en matière de gouvernance, d’énergies renouvelables, de tourisme durable, d’économie circulaire. Sur tous ces secteurs, les Canaries doivent devenir un centre de transfert de compétence, en connectant notre économie aux écosystèmes innovants d’Afrique.
Travaillez-vous avec le gouvernement de Madrid autour d’une stratégie commune ?
Notre stratégie est alignée sur les plans nationaux espagnols tels qu’Africa III et ses différents programmes – Focus Africa 2023, géré par le ministère des Affaires étrangères, et Horizon Africa, conduit par celui du Commerce. Nous travaillons de manière très coordonnée, car les ministères ont bien compris le rôle dynamique joué par les Canaries dans le cadre des relations de l’Espagne avec l’Afrique. En tant que communauté autonome, nous ne disposons pas de compétence en matière de politique étrangère bien sûr, ce qui ne nous empêche pas d’avoir développé des relations institutionnelles et économiques avec un certain nombre de pays européens, américains et africains.
Est-ce que votre appartenance à l’Union européenne renforce votre stratégie africaine ?
Cela représente clairement un avantage : nous disposons d’instruments de coopération territoriale qui appuient notre collaboration avec les différentes entités africaines et nous permettent d’étendre nos relations sur le continent. Le programme Interreg MAC (Madère-Açores-Canaries), financé par le Fonds européen de développement régional (Feder), comporte par exemple une importante composante d’intégration régionale et de coopération avec les pays africains, dans des domaines sur lesquels nous sommes à l’avant-garde.
Et quels sont-ils ?
Ceux où notre expertise est déjà reconnue, dans les énergies vertes et l’économie bleue, l’agriculture, le tourisme, l’aérospatiale et l’aéronautique, pour n’en citer que quelques-uns. Sans oublier celui de la connaissance, que j’ai mentionné plus tôt. Nous venons ainsi de mettre en place une formation de formateurs en technologie médicale, dans laquelle des professionnels africains viennent aux Canaries participer à des cours dispensés par nos professeurs de l’université de Las Palmas, mais également par des experts en provenance des universités américaine de Harvard et canadienne de Queens. L’objectif est que ces professionnels africains puissent ensuite reproduire cette formation dans leur pays d’origine.
Les îles Canaries peuvent donc constituer un pont entre l’Europe et l’Afrique, voire les Amériques ?
L’archipel a été de tout temps un lieu de passage obligé entre ces trois continents. Et cela n’a aucune raison de changer tant que les Canaries s’appuient sur le port de Las Palmas, véritable plateforme maritime de la sous-région, et confirment leur fort potentiel de centre d’affaires en s’appuyant sur leurs avantages géographiques, leurs ressources humaines et leurs infrastructures de qualité.
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