Partenaire particulier

Rabat entretient depuis longtemps d’étroites relations avec Dakar. Aujourd’hui, celles-ci se concrétisent par des investissements en forte augmentation.

Publié le 4 septembre 2007 Lecture : 5 minutes.

Dans les boutiques d’artisanat colorées de la rue Mohammed-V comme dans la plupart des autres commerces tenus par des Marocains à Dakar, ni les djellabas accrochées aux murs, ni les babouches savamment empilées, ni les encombrants rouleaux de tissus n’empêchent les visiteurs de porter un regard sur les mines solennelles de Sa Majesté Mohammed VI et du chef de l’État sénégalais Abdoulaye Wade. Des portraits omniprésents, comme pour inviter chaque visiteur à se souvenir des liens étroits unissant les deux pays. Une amitié apparue suite à l’introduction de la Tidjaniya au Sénégal, au XIXe siècle, puis entretenue par les souverains successifs du royaume chérifien et les trois présidents sénégalais. En 1966, déjà, le Sénégal et le Maroc signaient à Rabat le traité d’Amitié et de Solidarité mais, pour beaucoup, le renforcement considérable des relations entre les deux États et le succès de la coopération relèvent de la volonté du roi Mohammed VI et du président Wade.
C’est, en effet, à partir de 2001, après la création de la compagnie aérienne Air Sénégal International (ASI), dont Royal Air Maroc (RAM) est actionnaire majoritaire, que Rabat et Dakar ont entrepris d’installer un partenariat solide dans divers secteurs. Cela a notamment permis l’arrivée sur la place financière de BMCE et d’Attijariwafa Bank (voir pp. 52-53). De la Société de l’Atlantique (Somat) assurant la liaison maritime entre Dakar et Ziguinchor, et de Drapor, spécialisé dans le dragage. Des projets de construction d’un laboratoire pharmaceutique en relation avec Sothema et d’une usine de fabrication de câbles électriques affiliée aux Câbleries du Maroc sont également en cours. Mais en réalité, lors des sept dernières années, d’autres entreprises marocaines ont été associées à plusieurs opérations comme l’installation du réseau informatique de la Société national d’électricité du Sénégal (Senelec) avec CBI. Un marché d’environ 2,3 millions d’euros. Les sociétés Houara et Sintram ont, quant à elles, été choisies pour la construction d’une route de 162 kilomètres entre Linguère et Matam.
S’il est vrai que la crise financière qui a secoué la compagnie Air Sénégal International (ASI), élue meilleure compagnie africaine en 2003, a beaucoup fait parler d’elle en 2006, elle n’en reste pas moins « un fleuron et une vitrine de la coopération entre le Maroc et le Sénégal », estime son directeur général, Mohamed el-Yaalaoui. Selon lui, les effets des mesures prises il y a tout juste un an se font déjà sentir de façon « encourageante car la société a retrouvé son équilibre financier et reste leader sur la quasi-totalité de ses lignes africaines avec plus de 50 % des parts de marché. Aujourd’hui, notre objectif est donc de maintenir le cap en consolidant les acquis », affirme-t-il, tout en soulignant qu’ASI recevra « d’ici à quelques mois son certificat Iosa [audit de sécurité pour les opérations internationales, NDLR], indispensable pour rester membre de l’Iata, l’Association internationale des transporteurs aériens ».

L’avenir d’Attijariwafa Bank s’annonce également prometteur. Le groupe marocain a célébré le 10 juillet dernier le premier anniversaire de sa présence au Sénégal. Il y a quelques mois, elle a réalisé, avec succès, le rachat de la Banque sénégalo-tunisienne. La nouvelle banque née de cette opération, Attijari Bank Sénégal, nourrit de grandes ambitions. Avec une vingtaine de succursales à travers le pays, elle ambitionne de faire partie des trois premiers établissements du Sénégal. Selon son directeur général, les populations non bancarisées et les Sénégalais résidant à l’étranger constituent des cibles très intéressantes. « Il s’agira pour nous de proposer des produits variés low-cost proches de la microfinance pour intéresser des groupes qui, jusque-là, n’avaient pas accès aux banques. Nous considérons aussi que les Sénégalais travaillant à l’étranger doivent pouvoir bénéficier d’offres bancaires susceptibles de les aider à utiliser leur argent dans des secteurs productifs plutôt que dans la consommation courante. Nous envisageons par ailleurs de développer la banque-assurance », explique Mohamed el Ghazi, qui rappelle que le groupe marocain se lancera très bientôt à la conquête d’autres marchés de la sous-région.

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La Somat a elle aussi des projets. Selon son directeur général, le commandant Noureddine el Mellouki, la société envisage de se lancer dans le fret dès qu’elle aura acquis un cargo d’une capacité de 2 500 à 3 000 tonnes pour relier Dakar, Banjul, Conakry et Praia notamment. L’achat du navire et l’installation du matériel d’exploitation coûteront entre 2,5 et 3 millions d’euros. Créée en 2005, la Somat est détenue à 51 % par la Comanav (Compagnie marocaine de navigation), à 24,5 % par le Conseil sénégalais des chargeurs et à 24,5 % par le Port autonome de Dakar. Jusqu’à présent, elle assurait uniquement le transport de passagers et de marchandises entre Dakar et Ziguinchor. De 35 % à son démarrage, le taux de remplissage est passé à 75 % en 2007 et devrait continuer de croître. Fort de son succès, la Somat envisage de mettre à flot en 2008 un nouveau bateau de plus de 500 places et d’une capacité de 400 tonnes pour le fret. Le Aline Sittoé Diatta disposera également d’un garage pour le transport des véhicules, affirme le commandant el Mellouki.

À en croire les patrons marocains de la place, le succès de la coopération entre Rabat et Dakar n’a rien de surprenant. « C’est le résultat d’une ferme volonté de consolider les relations entre les deux pays et de travailler ensemble au développement de l’Afrique », déclarent-ils de concert sans omettre de saluer les efforts de l’État visant à faciliter l’installation des entreprises marocaines. Entre 1990 et 2004, le volume des échanges commerciaux entre le Sénégal et le Maroc est passé de 3 milliards à 18,5 milliards de francs CFA (de 4,5 millions à 28,2 millions d’euros). En Afrique subsaharienne, le Sénégal est la première destination des exportations marocaines : en 2006, les exportations s’élevaient à 230,7 millions de dirhams (20,7 millions d’euros), plaçant ainsi le pays devant le Nigeria et la Côte d’Ivoire. Médicaments, produits alimentaires, matériel électrique, vêtements et chaussures notamment arrivent sur les marchés nationaux. Les importations marocaines de produits sénégalais se chiffrent, quant à elles, à 50,3 millions de dirhams et concernent essentiellement le coton, les conserves de thon et les fruits (mangues et goyaves).

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