Les dossiers chauds
Le discours du président Nicolas Sarkozy devant les diplomates de l’Hexagone a replacé le continent au cur de sa politique étrangère. Retour au principe de réalité.
D’un côté, les dossiers. De l’autre, les grands principes d’une politique dont Nicolas Sarkozy a réaffirmé toute l’importance dans son premier discours de politique étrangère, à Paris le 27 août, à l’occasion de la XVe Conférence des ambassadeurs. Ce n’est pas une surprise, encore moins une révolution. Invariablement, « l’Afrique restera une priorité essentielle de notre politique étrangère », a rappelé le président français devant un parterre de 180 diplomates. Un engagement que n’aurait renié aucun de ses prédécesseurs et que François Mitterrand avait résumé en 1994 : « La France ne serait plus tout à fait elle-même aux yeux du monde si elle renonçait à être présente en Afrique. »
Les relations franco-africaines se jouent des générations, tel est le principal enseignement des cent premiers jours d’exercice du nouvel occupant de l’Élysée. Loin de vouloir remettre ce tropisme en question, et passé les velléités qui voudraient « définitivement rompre avec d’anciennes pratiques », la diplomatie française n’entend donc pas perdre la main sur le continent, vecteur depuis près d’un demi-siècle de certitudes tenaces.
Un nouveau ton
Mais cette rhétorique conservatrice, maladroitement suggérée lors du discours de Dakar, en juillet, n’interdit pas des évolutions. À preuve, le traitement des dossiers actuellement sur le bureau de Bernard Kouchner, le ministre des Affaires étrangères. Si les orientations sont maintenues, les méthodes changent et semblent désormais plus offensives. « La France et l’Afrique ont des rapports politiques et sentimentaux mêlés, a expliqué Bernard Kouchner au cours de la même conférence. Nous n’allons tout de même pas faire comme si nous ne nous connaissions pas. Ils resteront les mêmes tout en évoluant vers la bonne gouvernance et une stratégie d’accompagnement démocratique qui ne soit pas perçue comme un impérialisme. » De fait, l’actualité africaine ne manquera pas d’imposer « un style d’un genre nouveau » au cours des prochaines semaines.
Priorité au Darfour et au Tchad
Des résultats tangibles ont déjà été obtenus après un volontarisme certain de Paris. Fin août, le Conseil de sécurité a approuvé le principe d’une force ONU-Union européenne à caractère humanitaire dans l’est du Tchad et au nord-est de la République centrafricaine, afin de protéger les centaines de milliers de réfugiés présents dans la zone. Son entrée en vigueur attend l’adoption, prévue à la mi-septembre, d’une résolution rédigée par Paris. Alors que la Pologne a déjà donné son accord pour y prendre part, 1 500 soldats français devraient participer à cette force.
La situation humanitaire de cette région justifie la visite, le 8 septembre, à Khartoum et au Darfour de la secrétaire d’État française chargée des Affaires étrangères et des Droits de l’homme, Rama Yade, qui succédera de peu à celle du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon. Ce dernier se rendra du 3 au 9 septembre successivement au Soudan, au Tchad et en Libye afin d’examiner les modalités de déploiement de l’opération hybride Union africaine-Nations unies au Darfour (Minuad).
Autre priorité affichée, celle-ci dans la continuité du dogme chiraquien : le maintien de l’Afrique dans l’agenda international. C’est le sens donné à la demande de Nicolas Sarkozy de réunir le Conseil de sécurité de l’Onu, le 25 septembre, afin de dégager de nouvelles pistes pour lutter contre la pauvreté et étudier la mise en place de nouveaux dispositifs de représentation du continent – Afrique du Sud en tête (voir encadré ci-contre) – au sein d’un Conseil de sécurité rénové ou d’un G8 élargi aux pays émergents.
« L’Afrique a tout pour réussir dans la mondialisation, et la France la soutiendra », a affirmé le chef de l’État. L’un des moyens passe par l’aide au développement, « dimension essentielle de cette nouvelle diplomatie tournée vers l’homme », selon le ministre Kouchner. L’engagement de porter le niveau d’aide à 0,7 % du produit intérieur brut (PIB) sera maintenu même si les contraintes budgétaires ont reporté cet objectif de trois ans, en 2015. Une politique plus claire, plus efficace et mieux définie, y compris sur le plan institutionnel, doit s’appuyer sur le Livre blanc en cours de réalisation commandé au chef du Quai d’Orsay.
Son collègue Brice Hortefeux, très sollicité également, ne sera pas en reste sur les dossiers liés à l’immigration, pièce maîtresse de la politique africaine de Sarkozy. Son département planche sur les accords de gestion concertée des flux migratoires et de codéveloppement qui seront généralisés dès 2008 à tous les pays dits d’immigration, sur le modèle de ceux signés le 23 septembre 2006 avec le Sénégal, puis, le 5 juillet dernier, avec le Gabon. Des négociations doivent s’ouvrir avec la République du Congo et le Bénin.
Mais, sur cette question, Paris cherche surtout une meilleure convergence de vues avec ses partenaires. Là réside le principal objectif des intenses préparatifs de sa présidence européenne, du 1er juillet au 31 décembre 2008. Période qui verra la tenue de la seconde réunion ministérielle euro-africaine sur la migration (après celle de Rabat en juillet 2006), mais aussi les premiers échafaudages du projet sarkozien d’Union méditerranéenne.
Fouiller dans les affaires
Paris souhaite notamment pousser les dossiers liés aux disparitions non élucidées du journaliste Guy-André Kieffer en Côte d’Ivoire et du juge Bernard Borrel à Djibouti. Deux affaires politico-judiciaires qui empoisonnent les relations avec ces deux pays et qui ont connu, depuis le départ de Jacques Chirac, de nouveaux rebondissements.
Moins pusillanime que son prédécesseur, Nicolas Sarkozy a réaffirmé une « détermination sans faille » pour éclaircir la disparition du journaliste franco-canadien en avril 2004, à Abidjan. Une promesse faite à l’épouse du disparu, Osange Silou-Kieffer, qui a été reçue à l’Élysée le 23 août. Un souhait d’éclaircissement d’autant plus fort que le dossier s’est enrichi de nouvelles pièces jugées « crédibles » par la justice française. Ces nouveaux développements risquent de peser lors de la venue de Laurent Gbagbo à Paris, théoriquement à l’automne. La famille Kieffer compte d’ailleurs sur cette visite pour que les juges instructeurs, Patrick Ramaël et Emmanuelle Ducros, puissent poursuivre leur démarche. « L’extradition du principal suspect constituerait une réelle avancée », note un observateur en référence à Michel Legré – le beau-frère de Simone Gbagbo -, sous mandat d’arrêt depuis octobre 2004.
Même cas de figure dans le dossier de l’assassinat à Djibouti, en 1995, du juge français Bernard Borrel – dont Sarkozy a également reçu la veuve le 12 juin – avec la demande de renvoi devant le tribunal de deux responsables, eux aussi sous mandat d’arrêt international : le procureur de la République, Djama Souleiman, et le responsable des services secrets djiboutiens, Hassan Saïd. Ils sont accusés d’avoir exercé des pressions sur des témoins mettant en cause le pouvoir djiboutien.
Tous ces dossiers constituent un véritable test de la nouvelle approche prônée par la France.
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