Le Kenya, berceau de Barack Obama
Mama Sara a mal à la jambe. À Nairobi, le médecin lui a ordonné un traitement pour soulager sa carcasse douloureuse, puis elle a pris en car le chemin du retour. La route est longue jusqu’à Nyangoma-Kogelo, le village où elle vit depuis quatre-vingt-cinq ans. Après une journée passée dans les transports, Sara Obama, grand-mère de Barack Obama, sénateur de l’Illinois et candidat face à Hillary Clinton à l’investiture démocrate pour la présidentielle américaine de 2008, arrive finalement chez elle.
Nyangoma-Kogelo, 4 000 âmes de l’ethnie luo, sans eau courante ni électricité, ne figure pas sur les cartes. Pourtant, chacun au Kenya en connaît l’existence depuis la visite, en août 2006, du sénateur. « Un grand convoi est arrivé par la piste », se souviennent les habitants qui n’en reviennent toujours pas. Des véhicules tout-terrain, avec à bord des parlementaires de la région en grande tenue, l’ambassadeur américain, l’équipe agitée de la sécurité et celle, guère plus calme, des journalistes kényans et américains, tous flashes dehors. À l’école de Nyangoma, rebaptisée « Senator Obama Primary and Secondary School », on les attendait. La direction, les professeurs et les élèves, en uniformes bleu et blanc, étaient réunis, solennels, pour assister à l’inauguration, par le dirigeant démocrate, du laboratoire de chimie.
« Sa présence nous a donné du courage, nous a fait comprendre que nous aussi, à force de travail, nous pourrons devenir présidents », explique Irène, 16 ans, depuis le terrain herbeux qui entoure l’école, avant d’ajouter que Barack Obama est un bel homme.
Événement de précampagne ? Peut-être. Mais cette visite n’était pas la première. Parce que dans le jardin de Mama Sara, en plus des huit manguiers, des six vaches, de la délégation de poules et de la pompe à eau, il y a la tombe de son mari Hussein Onyango Obama, et celle de son fils, Barack Hussein Obama, tué dans un accident à Nairobi en 1982, père et homonyme du candidat américain. Sans doute pour des raisons stratégiques, Barack Obama Jr. s’est-il départi de son deuxième prénom, Hussein, peu populaire dans une Amérique en guerre contre l’Irak de Saddam. Mais à Nyangoma-Kogelo, c’est sans importance. Célébré par les chrétiens comme par les musulmans, Barack Obama, enfant du pays, incarne la réussite. La fusée sociale.
Ses parents se sont rencontrés à l’université de Hawaii. Sa mère, chrétienne, est originaire du Kansas ; son père, kényan musulman, bénéficie d’une bourse pour étudier aux États-Unis. Né sur l’île américaine le 4 août 1961, Barack intègre en 1991 l’université de Harvard où il devient le premier « African-American » président de la Harvard Law Review. En 1996, il est élu au Sénat de l’Illinois, puis se présente, huit ans plus tard, comme candidat au Sénat des États-Unis, où il est intronisé le 4 janvier 2005. Il a déjà fait deux voyages au Kenya.
« Il était à la recherche de ses racines, se souvient Saïd Obama, son jeune oncle et ami. Lors de sa première visite, en 1987, il s’est recueilli longtemps devant la tombe de son père. Sans doute essayait-il de concilier l’image qu’il avait de sa famille paternelle avec ce qu’il voyait. » De ce premier voyage, Mama Sara a gardé, penchée dans son cadre, une photo où le jeune homme porte, face à l’objectif, un lourd sac de choux alors qu’elle, en robe bleue, sourit à pleines dents. Une génération seulement aura suffi à faire de son petit-fils un candidat vraisemblable à la présidence de la plus grande puissance mondiale. C’est cela, le rêve américain.
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