Guerre intestine

Sur fond de crise économique, les responsables politiques se livrent bataille pour défendre le chef de l’État. Ou, au contraire, s’en débarrasser.

Publié le 4 septembre 2007 Lecture : 3 minutes.

A l’heure où la population passe son temps à faire la queue pour trouver un peu de pain et d’essence, en raison de l’hyperinflation qui touche le pays, les responsables politiques zimbabwéens se livrent une âpre bataille en vue des élections législatives et présidentielle de mars 2008. Il y a six mois, les perspectives paraissaient pourtant encourageantes. Les deux factions rivales du parti de l’opposition, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC), coopéraient. L’Afrique du Sud encourageait les dirigeants de l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-PF, au pouvoir) et le MDC à prendre contact. Les plus optimistes espéraient même que le président Robert Mugabe prenne une retraite paisible après les élections.
Aujourd’hui, le Zimbabwe est replongé dans une guerre d’usure entre les militaires et les services de renseignements, qui s’affrontent pour la succession à la présidence. Soutenus par Emmerson Mnangagwa, actuel ministre de l’Aménagement rural et ancien ministre de la Sécurité, les hommes du CIO (Central Intelligence Organisation) ont réussi à s’attirer les faveurs du chef de l’État. Ce dernier n’apprécie guère en effet que le camp du général Solomon Mujuru, et de son épouse Joyce, actuelle vice-présidente, appuyé par l’armée, essaie par tous les moyens de l’empêcher de se représenter en mars 2008. Ils veulent le bloquer au stade de la désignation des candidats et espèrent qu’un nombre suffisant des membres de la Zanu-PF voteront contre lui, dans le secret de l’isoloir, lors du prochain congrès du parti en décembre.
La bataille a donc commencé. Selon la lettre d’information Africa Confidential, quinze officiers supérieurs de l’armée nationale, la Zimbabwe Defence Force, auraient été limogés. Le pouvoir les soupçonne d’avoir voulu bombarder la présidence et provoquer une mutinerie de la Garde présidentielle. La CIO, qui n’a, semble-t-il, pas eu grand mal à déjouer le complot, a procédé, en juin, à des arrestations de civils et de militaires. Menace réelle ou coup de semonce ?
Parmi les débats qui alimentent la guerre de succession, certains remontent à l’époque de la lutte pour l’indépendance. Mujuru et Mugabe auraient alors passé un accord selon lequel le successeur de ce dernier devrait être originaire du Mashonaland East, province ayant fourni le plus de volontaires pour se battre contre la Rhodésie de Ian Smith. Pour d’autres, ce devrait être le tour des provinces des Midlands et de Masvingo, d’où sont originaires les hommes de Mnangagwa.
De son côté, l’opposition, dont la manifestation du 11 mars dernier a été durement réprimée par la police, est aujourd’hui sur la réserve. Les contacts qui avaient été pris entre les différents camps ont été rompus en juin à la suite d’une querelle entre le dirigeant historique du MDC, Morgan Tsvangirai, et le dissident Arthur Mutambara. Les pays voisins ont, eux aussi, levé le pied. Le président zambien Levy Mwanawasa, qui en début d’année avait déclaré que le Zimbabwe était « un Titanic en train de sombrer », a depuis apporté son soutien au régime. Les officiers du renseignement zambien ont même arrêté, lors de la réunion de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) organisée à Lusaka les 16 et 17 août dernier, Ngobizitza Mlilo, le représentant à l’étranger du MDC.
Pendant que les politiques se disputent le trône, l’économie sombre. Sans pour autant refroidir les hommes d’affaires Selon la société internationale de services financiers Merrill Lynch, investir dans les télécommunications, les mines ou encore l’immobilier pourrait être, à long terme, très rentable. Pour ceux qui ne disposent pas de milliards de dollars, les opportunités sont toutefois plus limitées. L’inflation dépasse aujourd’hui les 7 600 %. Selon le directeur Afrique du Fonds monétaire international (FMI), Abdoulaye Bio-Tchané, elle pourrait avoisiner, en cumulé, les 100 000 % à la fin de l’année. En décembre, le pays sera donc ruiné, mais il en saura probablement davantage sur l’identité de son prochain leader.

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