Goukouni Weddeye

Ancien chef de l’État tchadien

Publié le 4 septembre 2007 Lecture : 3 minutes.

De Birkadem, la banlieue d’Alger où il vit avec sa famille depuis 1982, Goukouni Weddeye sait qu’on lui attribuera le rôle du méchant dans le film retraçant l’histoire tourmentée du Tchad. La chevelure poivre et sel toujours abondante, l’ancien président semble bien plus âgé que ses 64 ans. Sous l’il méfiant d’une partie de la scène politique tchadienne, il joue les pompiers depuis quelques mois, en prônant paix et réconciliation, après avoir consacré sa vie à combattre les régimes qui se sont succédé à N’Djamena, de François Tombalbaye à Idriss Déby Itno en passant par Hissein Habré. Pionnier de la rébellion, son nom est associé à des décennies de campagnes militaires successives, ponctuées de succès aussi retentissants qu’éphémères. Ces deux brefs passages au pouvoir, du 23 mars au 29 avril 1979 et du 3 septembre 1979 au 7 juin 1982, ne l’ont jamais vraiment calmé. Avec l’aide de la Libye, il a guerroyé de longues années dans le nord du Tchad sans parvenir à gagner une troisième « bataille de N’Djamena », à l’instar de celles qui l’ont porté à la tête du pays. Pour certains de ses adversaires politiques, l’endurance du combattant Goukouni n’a eu d’égale que sa soif inextinguible de pouvoir.

Chassé du pouvoir en 1982 par son ancien ministre de la Défense Hissein Habré, Goukouni, chef du gouvernement d’union nationale et de transition (Gunt), n’a jamais rendu les armes. Si son épouse et ses dix enfants résident à Birkadem depuis 1982, lui a effectué un long séjour chez l’allié libyen, à Tripoli, pour animer le Front de libération nationale tchadien (Frolinat), le mouvement politico-militaire qu’il dirige encore aujourd’hui. De 1982 à 1987, il mène des attaques contre les Forces armées nationales tchadiennes (Fant) de Habré avec le soutien de l’armée libyenne, qui occupe la bande d’Aouzou au nord du Tchad depuis 1973. En 1987, la guerre tourne à son désavantage : soutenu par l’opération Manta de l’armée française et bénéficiant de l’aide financière américaine, Habré contre-attaque et défait les Libyens, qui signent un cessez-le-feu. Tripoli poursuivra la normalisation en rétablissant les relations diplomatiques avec N’Djamena l’année suivante. Privé du soutien de Mouammar Kadhafi, le chef de guerre se replie alors vers son exil algérois et se fait discret.
En 1990, Idriss Déby Itno, son ancien compagnon de route au sein du Frolinat, chasse Habré du pouvoir. Goukouni se joint aux groupes rebelles qui combattent le nouveau régime. Mais il n’est plus en première ligne. De jeunes loups aux dents longues tels que feu Youssouf Togoïmi, Mahamat Nour, Timan Erdimi le relèguent à l’arrière-garde. Goukouni semble définitivement hors jeu.

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Aujourd’hui, l’homme assure avoir « changé du tout au tout ». Et souhaite vivement arrêter la machine infernale qu’il a activement contribué à enclencher à l’aube des indépendances. Sa hantise ? La « somalisation » du Tchad. Nouvel apôtre de la paix, Goukouni entend bien consacrer l’essentiel de son énergie à cette mission afin de « sauver le pays ». Cette année, il a décidé d’organiser, avec l’aide du président gabonais Omar Bongo Ondimba, un grand forum réunissant les opposants tchadiens et les autorités de N’Djamena. Préoccupé par la situation à l’est du pays où s’étend le conflit du Darfour, le gouvernement a bien voulu saisir la main tendue par l’ancien rebelle. Le 17 mars, le président Déby Itno accepte de le rencontrer à Libreville. Le 30 juillet, Goukouni se rend pour la première fois depuis vingt-cinq ans à N’Djamena, accompagné d’opposants exilés et d’une délégation du gouvernement gabonais. Si la médiation rencontre aujourd’hui quelques difficultés, « les différentes parties finiront par trouver un compromis où il n’y aura ni vainqueur ni vaincu », assure le « pacificateur ».

Reste que Goukouni risque de se faire coiffer au poteau par Kadhafi, son ancien allié. Selon Youssoufa Abacar, proche conseiller de l’ancien président, le « Guide » de la Jamahiriya aurait invité quatre des principaux chefs rebelles de l’est du Tchad à se rendre à Tripoli, le 1er septembre (jour de la fête nationale libyenne) afin d’y négocier un ralliement à Déby Itno. Preuve que l’activisme du vieux baroudeur, que d’aucuns ne croient pas totalement désintéressé, n’a pas su totalement emporter l’adhésion des responsables politiques et des chefs de file des mouvements rebelles.

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