Tunisie : le Sahel, une région au cœur du pouvoir
De Habib Bourguiba à Béji Caïd Essebsi en passant par l’ère Ben Ali, ils ont toujours été associés à la prise de décision au sommet du pouvoir. Aujourd’hui, les réseaux sahéliens tentent de continuer à peser, dans un contexte politique volatil.
Attendue en direct sur la chaîne Attessia le 31 janvier pour décrypter l’action présidentielle, Samia Abbou, dirigeante du parti Attayar, attaque en quelques phrases bien senties Kamel Eltaief, 67 ans, chef d’entreprise originaire de la région côtière du Sahel, connu pour son entregent politique. Elle assure que cet ami de l’ex-président Ben Ali a introduit au palais présidentiel de Carthage un courant sahélien.
Une nouvelle qui n’étonne personne puisque le fondateur de la Somaco, société de matériel de construction, s’active depuis longtemps à consolider l’influence de sa région natale dans les sphères du pouvoir.
Les émules de Bourguiba
Le lobbyisme d’Eltaief, 65 ans, intrigue et interpelle. « Il y a une lecture un peu conspirationniste des lobbies alors qu’il est naturel qu’un groupe protège ses intérêts quand il estime qu’il a quelque chose à perdre. Dans les démocraties, c’est légal et transparent. En Tunisie, s’est source de suspicion », commente l’expert en communication politique Kerim Bouzouita.
Il n’empêche qu’aux yeux de l’opinion, Kamel Eltaief, qui n’a jamais eu de titre officiel autre que d’être l’intime de l’ancien dictateur, est considéré comme l’homme qui a manœuvré en coulisses pour assurer à Ben Ali l’appui des réseaux du Sahel lors de son coup d’État contre Habib Bourguiba en 1987. Depuis, il n’a pas dérogé à cet objectif d’associer la région à l’exercice du pouvoir en Tunisie.
Peu de régions tunisiennes auront à ce point bénéficié de l’ascenseur social
Il faut dire que le Sahel, dont les habitants ne vivaient jusqu’alors que de la terre et de la pêche, a pleinement tiré profit de l’avènement de la Tunisie moderne et de la généralisation de l’enseignement. Peu de régions tunisiennes auront à ce point bénéficié de l’ascenseur social.
Une évolution qui a fait naître un sentiment d’appartenance commune à l’élite sahélienne montée à Tunis, en même temps qu’elle a enraciné chez elle un profond patriotisme. Symbole par excellence de cette ascension, le destin d’un Habib Bourguiba, natif de Monastir. Le père de l’indépendance tunisienne a fait des émules et s’est très vite entouré d’un noyau d’hommes du Sahel dans son action politique.
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