Affaires africaines

Les entreprises marocaines engrangent les succès au sud du Sahara, aidées par une activité diplomatique intense et l’implication personnelle du souverain chérifien. Un soutien qui ne les empêche pourtant pas d’être aujourd’hui reconnues pour la qualité de

Publié le 4 septembre 2007 Lecture : 5 minutes.

Quel est le point commun entre Royal Air Maroc (RAM), Sothema et la Société maghrébine de monétique (S2M) ? L’une est une entreprise publique, les deux autres sont privées. La première est une compagnie aérienne, la deuxième un laboratoire pharmaceutique et la troisième propose des solutions de paiement aux banques ou aux centres de traitement interbancaires. Mais toutes les trois, marocaines, sont implantées en Afrique subsaharienne. La RAM dessert notamment le Mali, le Burkina, la Guinée ; Sothema construit une usine au Sénégal ; S2M vend ses services en République démocratique du Congo (RDC), en Tanzanie, en Guinée-Bissau
Géographiquement éloignés et réputés difficiles, ces marchés n’attirent guère les investisseurs occidentaux. Mais, depuis le début des années 2000, ils intéressent de plus en plus les entreprises marocaines, publiques et privées. Que ce soit dans les transports, aérien et maritime, dans la monétique, dans le secteur bancaire, dans le bâtiment et les travaux publics, les sociétés du royaume ne se contentent plus de relations ponctuelles d’import-export avec l’Afrique subsaharienne. Désormais, cette partie du continent est durablement inscrite dans leurs plans stratégiques et certaines d’entre elles vont jusqu’à s’y implanter physiquement.

Voyant s’approcher le spectre de la stagnation du marché marocain, c’est en effet en Afrique subsaharienne qu’elles trouvent des opportunités de diversification et de nouveaux marchés à conquérir. Et c’est là qu’elles sont compétitives, détenant un savoir-faire qui a permis le développement rapide du royaume. Par rapport à leurs concurrentes occidentales, ces sociétés chérifiennes ont en outre un avantage comparatif : « Nos technologies sont plus adaptées à l’environnement africain, explique Kamil Benjelloun, président délégué de CBI, entreprise spécialisée dans les technologies de l’information, qui vient d’ouvrir une agence à Dakar. Le continent rencontre certains problèmes que les Européens ont résolus depuis longtemps. Au Maroc, nous y avons été confrontés plus récemment. » Si à l’heure actuelle, le chiffre d’affaires que les entreprises marocaines réalisent en Afrique subsaharienne représente rarement plus de 10 % du total de leurs recettes, chacune d’entre elles compte le faire progresser.
Absent de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) et de l’Union africaine (UA), son héritière, l’État marocain cherche à s’imposer économiquement au sud du Sahara. « Quand un avion de la RAM atterrit au fin fond du continent, que notre drapeau et le portrait du roi y sont posés, nous gagnons en visibilité, reconnaît une source au ministère des Affaires étrangères. Et nous en retirons des dividendes politiques, tel un soutien par exemple pour le dossier de l’Exposition universelle, Tanger 2012, événement à l’organisation duquel la ville est candidate, ou pour celui du Sahara occidental à l’ONU. »

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Le développement de la RAM en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale accompagne cet élan. Aujourd’hui, il est désormais plus facile pour les sociétés de créer une filiale à Libreville ou à Bamako puisque, pour s’y rendre, il n’est plus nécessaire de passer par Paris. « Nous encourageons les entreprises à s’implanter dans certains pays subsahariens avec lesquels nous entretenons d’excellentes relations, le Sénégal et la Guinée équatoriale par exemple, poursuit la même source au ministère des Affaires étrangères. Pour cela, nous les protégeons. »
La diplomatie marocaine profite au développement des entreprises chérifiennes en Afrique subsaharienne. Lors de sa tournée au Bénin, au Cameroun, au Gabon, au Niger et au Sénégal, en juin 2004, le roi Mohammed VI a signé avec chacun des États des conventions portant sur la « non-double imposition » (qui évite aux sociétés de payer deux fois l’impôt) et encourageant les investissements. Un an plus tôt, à la Conférence de Rabat, il annonçait, au nom de la « coopération Sud-Sud », son intention d’annuler la dette des « pays frères les moins avancés » et d’exonérer leurs produits de droits de douane à l’entrée du marché marocain. Un geste symbolique qui place les pays du continent dans de bonnes dispositions à l’égard de Rabat Vanté par le roi, le concept de coopération tripartite – mécanisme qui implique un bailleur de fonds et un pays fournisseur de services, le Maroc en l’occurrence, dans la réalisation d’un projet de développement en Afrique subsaharienne – peut également servir les intérêts du royaume. Tout comme l’accueil, pour l’année universitaire 2005-2006, de 5 000 étudiants subsahariens grâce aux bourses de l’Agence marocaine de coopération internationale (Amci). Objectif ? « Créer à moyen et long terme une élite marocophile dans les pays d’Afrique de l’Ouest », prévoit Alain Antil, chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri) dans une étude sur « le royaume du Maroc et sa politique envers l’Afrique subsaharienne ».

Existe-t-il toutefois des pays interdits, notamment ceux qui ne soutiendraient pas la position du Maroc sur le dossier du Sahara ? « Non, répond-on au ministère des Affaires étrangères. La preuve : nous avons des accords bilatéraux avec le Nigeria [qui reconnaît la République arabe sahraouie démocratique (RASD), NDLR]. Quand les entreprises d’Afrique du Sud [idem, NDLR] investissent au Maroc, nous les faisons bénéficier des mêmes avantages que celles des autres pays. » Mais, pour des raisons culturelles, l’offensive des entreprises marocaines au sud du Sahara est plus nette en Afrique de l’Ouest. « Nous avons 1 000 ans d’Histoire avec le Sénégal, explique un entrepreneur. Notamment grâce à une confrérie musulmane, la Tidjaniya, fortement implantée dans les deux pays. » Depuis le Sénégal, où la RAM détient la filiale Air Sénégal International, Sothema, une usine en cours de construction, Attijariwafa Bank, une filiale, les entreprises marocaines peuvent rayonner dans le reste des pays de l’Uemoa (Union économique et monétaire ouest-africaine) et plus généralement dans la sous-région. Dakar joue un rôle de tête de pont. La Guinée équatoriale, dont le chef de l’État, Teodoro Obiang Nguema, se rend régulièrement au Maroc pour des visites privées, est également privilégiée : « C’est au Sénégal et en Guinée équatoriale que nous plantons nos drapeaux », reconnaît-on au ministère des Affaires étrangères. Mais aujourd’hui, la langue ou l’éloignement n’effraient plus personne. « Le Maroc est condamné à aller vers l’Afrique, résume un chef d’entreprise. C’est une opportunité pour le Maroc et une chance pour l’Afrique. »

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