Valérie Niquet

Directrice du centre Asie de l’Institut français des relations internationales (Ifri)

Publié le 4 juillet 2006 Lecture : 2 minutes.

Après le ministre chinois des Affaires étrangères Li Zhaoxing en janvier, le président Hu Jintao en avril, le Premier ministre Wen Jiabao a visité plusieurs pays d’Afrique, du 17 au 24 juin : Égypte, Ghana, Congo-Brazzaville, Angola, Afrique du Sud, Tanzanie et Ouganda. Outre les enjeux économiques, Valérie Niquet, directrice du centre Asie à l’Institut français des relations internationales (Ifri), y voit la volonté chinoise de propager une certaine vision du monde.
Quel est l’ordre de grandeur des échanges entre l’Afrique et la Chine ?
Entre 2000 et 2005, les échanges sont passés de 10 milliards de dollars à 35 milliards. Près de 30 % des importations chinoises de pétrole viennent du continent. Si cette tendance se poursuit, la Chine va devenir le premier partenaire de l’Afrique, devant l’Union européenne et les États-Unis.
Cette percée favorise-t-elle le développement des économies africaines ?
Grâce à ce nouveau marché, l’Afrique a diversifié ses débouchés et cela pèse favorablement sur les cours mondiaux. Entre acheteurs et vendeurs, le rapport des forces s’est équilibré. Les clients occidentaux ne sont plus les seuls à fixer les prix. Quant aux produits chinois, très bon marché, ils élèvent mécaniquement le pouvoir d’achat des consommateurs africains. En revanche, ils concurrencent les filières locales, notamment dans le secteur du textile. À terme, cela va pénaliser l’émergence d’une industrie de transformation autonome, en cantonnant le continent dans son rôle de fournisseur de matières premières.
Cet appétit chinois est-il durable ?
En apparence, la croissance chinoise est soutenue et prolongée. Mais, dans le même temps, déséquilibres régionaux, mécontentements sociaux et écarts de richesse s’accumulent. Pékin pourrait être contraint à l’avenir à se désengager à l’international pour se recentrer sur des besoins intérieurs qui ne sont pas satisfaits actuellement.
Quelles sont les recettes du « business chinois » ?
La Chine reproduit le modèle classique occidental, mais elle le fait au moment où l’Occident, au moins en paroles, commençait à mettre en uvre de nouvelles règles d’échange plus rigoureuses. Sa percée arrive donc à point nommé pour certains États africains qui cherchaient à contourner ces normes. La Chine provoque un retour en arrière en matière de bonne gouvernance et de transparence. Par ailleurs, elle développe des liens avec des pays isolés, comme le Soudan, qu’elle soutient au Conseil de sécurité de l’ONU en échange de son pétrole.
C’est de la politique
Avec la Chine, les gros contrats se concluent toujours d’État à État. En contrepartie, Pékin délivre de l’aide mais ce sont, la plupart du temps, des dépenses de prestige, comme la construction de palais ou de bâtiments officiels, loin de l’intérêt des populations. Fondamentalement, la Chine défend le respect absolu de la souveraineté nationale et rejette toute ingérence dans les affaires intérieures. En toile de fond, elle dénonce l’universalité des valeurs comme la démocratie et les droits de l’homme.

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