Un million de logements en plus

Se loger reste un véritable casse-tête. Mais depuis sept ans, le nombre de personnes ayant bénéficié d’un toit est en forte augmentation.

Publié le 4 juillet 2006 Lecture : 4 minutes.

Fayçal attend ce moment depuis des années. Dans le courant du mois de septembre prochain, il devrait emménager dans son nouvel appartement de trois pièces, fraîchement construit par une entreprise chinoise dans le cadre du programme de location-vente de l’Agence pour l’amélioration et le développement du logement (AADL). Cadre dans une entreprise de téléphonie et père de deux enfants, Fayçal habite encore chez ses parents. Faute d’un appartement, il a failli ne pas se marier. « J’ai déposé des dizaines de dossiers pour obtenir un logement social, aucun responsable n’a daigné me répondre. Dans ce pays, il faut avoir du piston pour obtenir un toit. Après des années d’attente, je peux enfin dire adieu à l’exiguïté et à la promiscuité. Ma petite famille va pouvoir vivre dans un logement spacieux et décent. J’ai cru ne jamais avoir cette chance », dit-il en soupirant.
Crise de logement, voilà le mal qui empoisonne l’existence du citoyen algérien, qui finit par désespérer de tous les gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays depuis trois décennies. La pénurie est telle que des familles de dix personnes, voire quinze, sont obligées de s’entasser dans de petites habitations. Faute de place, il arrive souvent que les gens dorment à tour de rôle. Mais aujourd’hui, à l’instar de Fayçal, des centaines de milliers de personnes peuvent enfin disposer d’un appartement grâce à un défi lancé par le président Bouteflika au lendemain de son élection en avril 1999 : résorber le déficit en matière de logement et permettre à chaque Algérien de vivre sous un toit décent. Le pari n’est pas si insensé qu’il y paraît. Au départ très sceptiques, vu l’ampleur du problème, les Algériens commencent même à y croire fermement. Plus de 700 000 logements ont été réalisés durant le premier mandat du chef de l’État (1999-2004). En mars 2004, un mois avant sa réélection pour un second mandat, Bouteflika donnait ainsi le ton de sa future politique : « En cinq ans, nous avons créé 1,2 million d’emplois. Financièrement, économiquement, les possibilités existent pour créer encore 1 million d’emplois dans le prochain quinquennat. Il y avait un déficit de 1 million de logements : 700 000 ont été répartis, 300 000 sont en voie d’achèvement. Et nous pouvons construire 1 million de logements pour les prochaines années. » Construire 1 million de logements avant 2009, un projet aussi ambitieux qu’onéreux. Son coût a été estimé à 5 milliards de dollars. Avec une population estimée à 33 millions d’habitants et un parc de logements évalué en 2004 à 5,9 millions d’unités, les besoins restent énormes.
Si les experts se montrent dubitatifs quant à la faisabilité du programme et à sa réalisation, le ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme, Mohamed Nadir Hamimid, est d’un optimisme à toute épreuve. « Les chiffres enregistrés en 2005 n’ont jamais été atteints depuis l’indépendance. À ce jour, nous avons lancé 600 000 chantiers, toutes formules confondues, et d’ici à la fin 2006 nous en lancerons 300 000 autres. Alors il nous restera, pour atteindre le million prévu dans le programme quinquennal, que 100 000 logements à réaliser », affirmait-il à l’issue d’une visite de chantier. Sur le total prévu, 30 % sont des logements sociaux locatifs, 25 % sont répartis des logements sociaux participatifs ou accessibles en location-vente, et 25 % sont destinés à l’habitat rural. Les 20 % restants sont du domaine de la construction individuelle et de la promotion immobilière.
Depuis six ans, l’Algérie s’est ainsi transformée en un vaste chantier. Des milliers d’hectares ont été dégagés pour l’implantation des nouveaux logements. Les immeubles poussent comme des champignons et des quartiers nouveaux voient le jour à Alger, Oran, Annaba et Constantine. Le gouvernement a d’autant plus les moyens de sa politique que les caisses du pays bénéficient de la spectaculaire envolée des cours du pétrole. Plus de 20 000 entreprises locales spécialisées dans le BTP ont été sollicitées pour participer à ce programme. Elles représentent un effectif estimé à 500 000 salariés ; 5 200 architectes et 520 ingénieurs sont également mobilisés. Plusieurs sociétés étrangères, essentiellement chinoises, ont décroché d’importants marchés pour livrer des appartements clés en main et dans des délais relativement courts. Peu habitués à ce spectacle, les Algériens sont surpris de voir des armées de maçons et de manuvres travaillant sous le soleil ou sous la pluie et même de nuit, à la lumière de puissants projecteurs. Soucieuses de voir les programmes livrés dans les délais impartis, les autorités n’hésitent pas à réprimander les entreprises retardataires, quitte à retirer leur agrément à celles qui tardent trop. Durant la première semaine du mois de juin 2006, le ministre de l’Habitat pouvait donc annoncer fièrement que 19 000 logements, répartis sur l’ensemble du pays, seront livrés à leurs bénéficiaires à la fin de l’année en cours. En attendant que le reste soit distribué dans les trois prochaines années.
Un analyste économiste algérien commente les retombées de ce gigantesque projet : « Construire un million de logements est une perspective extraordinaire pour l’aménagement du territoire. Cela permettra de réaménager et remodeler la physionomie du pays et de mieux assurer la sécurité des populations. Un bon millier de nos communes ont un besoin urgent d’être équipées. Il faudrait également bâtir dans les zones déshéritées, au Sud, dans les villages abandonnés ainsi que sur les hauts plateaux. » En attendant que soit réalisé ce programme, le gouvernement fait mieux en sept ans que durant les trois décennies précédentes.

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