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Élection au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, coopération judiciaire avec Londres : la diplomatie se met aussi au service de la justice.

Publié le 4 juillet 2006 Lecture : 4 minutes.

Certaines ONG avaient exprimé leurs réserves après l’élection de l’Algérie au Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Le 20 juin, à Genève, Mohamed Bedjaoui, le ministre des Affaires étrangères, a saisi l’occasion de la première session de la nouvelle assemblée pour leur répondre. Il a rappelé que l’Algérie, qui « panse ses blessures après une décennie de violence à grande échelle, n’a à aucun moment renoncé à l’idéal humaniste, même si, lors de cette tragédie, elle a été profondément atteinte dans sa chair comme dans les ressorts de ses interactions avec autrui. » Une formule qui aurait pu faire croire qu’Alger était sur la défensive tant sur la question des libertés publiques que sur celle de la gestion du conflit né de l’insurrection islamiste Tel n’est pas le cas.
L’intervention de Bedjaoui a davantage les allures d’un réquisitoire que d’une plaidoirie. Il a rappelé la solitude de l’Algérie à l’époque où ses institutions subissaient les assauts des salafistes en même temps que les critiques des médias occidentaux, notamment français, et des chancelleries, qui émettaient des doutes sur l’identité réelle des assassins de villageois. « Dans un environnement international où le phénomène terroriste rencontrait quelque indifférence, voire quelque complaisance, mon pays a cherché sa voie seul, récusant les explications simplistes et réductrices qui ont accordé du crédit aux tueurs d’enfants et de handicapés, ainsi qu’un statut aux criminels qui ont cherché à faire assumer à la religion leurs sinistres forfaits. » Quant à ceux qui continuent d’accuser les militaires algériens, il a rappelé que la République a tenu bon grâce à la combinaison de la « résistance patriotique des Algériens » et de « l’uvre salvatrice » des forces de sécurité.
Mais Bedjaoui ne se contente pas de s’inscrire en faux contre les ONG dénonçant les mesures d’amnistie prévues par la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Il présente aussi le cas algérien comme un modèle de sortie de crise. « Depuis 1999 [date du retour aux affaires du président Abdelaziz Bouteflika], l’État algérien s’est attelé avec détermination à cette tâche de cicatrisation sociale à travers des mécanismes qu’il a mis en place en vue d’assurer un traitement légal, humain et social des incidences d’une décennie de criminalité terroriste », a-t-il poursuivi. L’objectif du gouvernement ne se limite pas seulement à la création d’un climat apaisé dans le pays. Il consiste aussi à faire en sorte que la société algérienne conserve les traits qui la caractérisent.
Avec 168 voix sur 191 votants, cette Algérie qui revient de si loin a été admise à siéger au Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Un résultat qui contraste avec l’isolement dans lequel elle baignait durant les années 1990, où l’horreur s’y déroulait à huis clos. Alger est désormais courtisé. Son savoir-faire en matière de lutte antiterroriste est enfin reconnu, et la crédibilité qu’il lui confère lui offre à nouveau le statut de médiateur dans les grandes crises internationales.
Ce fut notamment le cas lors des attaques des casernes de Kidal et de Menaka, dans le nord du Mali, le 23 mai dernier, qui ont fait craindre une reprise de la rébellion touarègue. Marraine des accords de paix de 1992 entre le gouvernement et les insurgés de l’Azawad, la diplomatie algérienne a de nouveau été sollicitée par les belligérants. Longtemps boycottée, elle aurait pu sauter sur l’occasion. C’est pourtant l’inverse qui s’est produit. Contre toute attente, il a fallu que les deux parties s’engagent à satisfaire les conditions posées par Alger pour que celle-ci s’implique. De Bamako, il a été exigé une demande solennelle de recours à une médiation. Quant aux rebelles, il leur a été imposé le cantonnement de leurs combattants dans leur QG de Tegharghar, au nord de Kidal, durant les négociations, pour limiter les risques de contagion insurrectionnelle dans la région.
Mais la crédibilité retrouvée de l’Algérie se mesure à l’aune de bien d’autres succès. La signature par le gouvernement britannique d’accords d’entraide judiciaire et d’extradition, par exemple. Le 12 juillet, Abdelaziz Bouteflika se rendra à Londres pour y rencontrer le Premier ministre Tony Blair. Les deux hommes devraient parapher quatre documents de coopération judiciaire permettant l’extradition de ressortissants algériens poursuivis depuis l’entrée en vigueur de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, le 1er mars, en Algérie.
La dizaine d’anciens dirigeants du Front islamique du salut (FIS, dissous en mars 1992) réfugiés à Londres n’ont pourtant aucune raison de s’inquiéter. Comme ils ont été partie prenante de la tragédie nationale, les faits qui leur sont reprochés ont été amnistiés. En revanche, Rafik Abdelmoumen Khalifa, le tycoon déchu du groupe du même nom, a, lui, du souci à se faire. Le début de son procès doit commencer ces prochains jours. La diplomatie peut aussi se mettre au service de la justice.

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