Par la grâce de l’économie

Publié le 4 juillet 2006 Lecture : 3 minutes.

Dans dix ans ou moins, si le gouvernement fédéral continue sur sa lancée, on ne parlera plus du Nigeria comme d’un géant économique aux pieds d’argile. La malédiction pétrolière ne sera plus qu’un mauvais souvenir, et le pays le plus peuplé d’Afrique sera un véritable mastodonte.
À deux conditions. D’abord, la préservation de la paix sociale et d’un gouvernement civil. En quarante-six ans d’indépendance, le Nigeria a vécu seize ans sous des régimes militaires aussi dictatoriaux et corrompus les uns que les autres. Il vit aujourd’hui dans la période « civile » la plus stable et la plus longue de son histoire : sept ans, depuis mai 1999, date de l’adoption d’une nouvelle Constitution et de l’élection d’un nouveau président.
Deuxième condition : le maintien du baril de pétrole à un niveau supérieur à 40 dollars. Depuis 2003, la multiplication par deux de son prix, à plus de 60 dollars, a permis au ministère des Finances, dirigé par Ngozi Okonjo-Iweala et son équipe, d’engranger plus de 50 milliards de dollars de réserves, dont une partie (12,4 milliards) servira cette année à liquider la dette bilatérale du pays.
Cette opération de rachat de la dette publique est le « chef-d’uvre » du département de la dette extérieure, dirigé par Mansur Muhtar. Celle-ci a été annulée à 60 % par le Club de Paris, et Abuja se charge de racheter le reste. Certains se sont demandé pourquoi Ngozi Okonjo-Iweala n’a pas obtenu une annulation à hauteur de 80 %, comme l’Irak, voire de 100 %. Le taux obtenu l’a été de haute lutte. Car l’un des premiers producteurs et exportateurs d’or noir dans le monde n’est pas éligible à l’effacement de la dette. Pas plus qu’il n’est sous programme avec le Fonds monétaire international (FMI). Au mieux, il aurait pu obtenir une annulation partielle et un rééchelonnement de sa dette publique (30 milliards de dollars auprès des créanciers du Club de Paris). Comme les grands pays émergents (Algérie et Russie), le Nigeria a fini par obtenir immédiatement 60 % (18 milliards de dollars) grâce à son bilan économique satisfaisant, et un paiement également immédiat du reliquat (12,4 milliards). Résultat : sa dette publique est réduite à zéro. Il ne reste plus que quelques créances commerciales et multilatérales (5 milliards). Au final, maladroitement critiqué, le rachat de la dette permet pourtant au gouvernement d’économiser 1 milliard de dollars par an (l’équivalent des intérêts de la dette).
Le bilan du ministère des Finances parle de lui-même. La croissance économique a doublé (de 3 % en 2000 à 7,6 % en moyenne annuelle, plus de 8 % en 2006), et l’inflation a été ramenée de 28 % à 12 %, selon la Banque mondiale. La réputation financière du pays est désormais à la hauteur des autres pays émergents (Turquie, Brésil, Venezuela, Vietnam, Philippines), selon la notation accordée en janvier dernier par les auditeurs indépendants Fitch et Standard and Poor’s. Le premier audit du secteur pétrolier rendu public, couvrant les années 2000-2004, atteste que les comptes y sont transparents. Tout comme le sont ceux du budget de l’État fédéral et des versements effectués aux États (là aussi, une première).
Les investissements étrangers affluent dans les secteurs non pétroliers. Les économies gagnées sur les contrats gouvernementaux (lutte contre la surfacturation et la corruption) ont atteint 3 milliards de dollars en trois ans (2003-2005). Les rapatriements des fonds détournés se sont chiffrés à 500 millions de dollars rien qu’avec la Suisse, premier pays à coopérer dans cette campagne « mains propres ».
Si elle a eu la chance de bénéficier d’une conjoncture favorable, la ministre n’estimait pas, à la veille de sa nomination aux Affaires étrangères, avoir terminé son travail. Au contraire. « Mon souci est de créer des emplois pour les jeunes, de développer les zones rurales et de diversifier l’économie », dit-elle. Les terres arables (40 % de la superficie du pays, qui s’étend sur 924 000 km2) attendent ceux qui veulent bien investir pour nourrir une population de 150 millions d’habitants. Les ressources minières solides – autres que le pétrole et le gaz – sont inexplorées ou inexploitées : or, diamant, fer, charbon, uranium, bitume et autres minerais rares et chers (tantale, bentonite, baryte).
Les hydrocarbures, qui occupent une position dominante (95 % des recettes d’exportations, 76 % du budget de l’État, 33 % du produit intérieur brut), ne vont pas disparaître. Le pays dort sur 36 milliards de barils (réserves prouvées) et plus de 5 000 milliards de m3 de gaz naturel. Il s’agit désormais de mettre ces deux richesses au service de tous les Nigérians. Un seul chiffre mesure l’importance des défis : 37 % de la population vit actuellement dans une extrême pauvreté (avec moins de 1 dollar par jour), selon la Banque mondiale. Cette proportion devrait être réduite de moitié d’ici à 2015. Beau challenge pour le Nigeria, ainsi que pour le successeur d’Okonjo-Iweala, une autre femme, son ancienne vice-ministre, Nenadi Usman.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires