Joseph Zobel

L’écrivain martiniquais est décédé le 17 juin 2006 à Alès (France)

Publié le 4 juillet 2006 Lecture : 3 minutes.

Il aura passé près de cinquante années loin de sa patrie, la Martinique. Pourtant, Joseph Zobel a toujours conservé intacte la créolité qui donnait toute leur saveur à ses romans. L’écrivain s’est éteint le 17 juin à l’hôpital d’Alès, dans le Gard (sud-est de la France), à 91 ans.

Il a vu le jour le 26 avril 1915 à Rivière-Salée, dans la plantation de canne à sucre de Petit-Morne, où son père était cocher et sa mère nourrice. Élevé par sa grand-mère, Man Tine, une femme à laquelle il rendra un magnifique hommage dans son célèbre roman La Rue Cases-Nègres, Zobel parvient, à force de sacrifices familiaux, à entrer au lycée Victor-Schoelcher de Fort-de-France, où il se révélera brillant élève.
Employé « précaire et révocable » aux Ponts et Chaussées puis aspirant répétiteur et surveillant d’externat – grâce à sa qualité d’ancien élève – au lycée Schoelcher, il doit attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour poursuivre ses études en France. Dans l’intervalle, son amour de la lecture et ses aspirations littéraires le poussent à rédiger quelques nouvelles, publiées dans Le Sportif, le journal local. Il y décrit avec intensité la vie à la fois simple et difficile du monde rural martiniquais et, plus généralement, des Antilles. Un sujet qu’il regrette de ne jamais voir traité par les grandes plumes de l’époque. Ces chroniques, vives et imagées, seront rassemblées plus tard dans le recueil intitulé Laghia de la mort. L’un de ses lecteurs s’appelle Aimé Césaire. Celui-ci l’encourage à écrire un roman. Ce sera Diab-là, jugé trop subversif par Le Sportif et finalement édité en 1947 en France, où Zobel s’installe enfin avec son épouse et ses trois enfants.

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En 1949, les grands éditeurs parisiens, Julliard, Albin-Michel et La Table Ronde, refusent son manuscrit de La Rue Cases-Nègres : pas de lecteurs pour un tel ouvrage, trop progressiste, au style entaché de créolismes. Les éditions Jean Froissard relèvent le défi, le succès est immédiat. Le livre remporte même le Prix des lecteurs décerné par La Gazette des lecteurs, un magazine en vogue à l’époque. Il connaîtra un regain de popularité trente ans plus tard, lorsque la réalisatrice Euzhan Palcy en tire un film, lauréat du Lion d’argent au Festival de la Mostra de Venise en 1982 et César de la meilleure première uvre de fiction en 1983.

Bien qu’il n’appartienne pas au cercle fondateur du concept de négritude, Joseph Zobel se lie d’amitié avec Léopold Sédar Senghor. En 1957, il quitte la France pour le Sénégal, où le ministre de l’Éducation, Amadou Mahtar M’bow le recrute comme directeur du collège de Ziguinchor, en Casamance (aujourd’hui lycée Djignabo) avant de le muter surveillant général au lycée Van-Vollenhoven, l’un des établissements les plus cotés de Dakar. En 1966, il participe activement au Festival des Arts nègres. Il achève sa carrière comme producteur d’émissions éducatives et culturelles à la radio sénégalaise, dont il crée le service culturel. Les multiples anecdotes de sa vie dakaroise sont racontées dans Et si la mer n’était pas bleue et Mas Badara.

À l’heure de sa retraite, il choisit de rentrer en France et s’installe dans un mas à Générargues, près d’Anduze, où son fils Roland dirige deux fabriques de poteries et vases traditionnels. Il y compose des poèmes, se consacre au dessin, au jardinage et à l’art floral japonais. En 1994, Poèmes d’amour et de silence, merveilleux livre d’art aujourd’hui introuvable en librairie, réunit des extraits de son journal, agrémentés de poésie et de dessins qui traduisent la félicité de sa vie au milieu des paysages brûlés de soleil qui lui rappellent la Martinique.
Joseph Zobel était considéré comme l’un des fondateurs de la littérature caribéenne de langue française et un grand ami de l’Afrique. À l’image de nombreux Antillais attirés par la jeune Afrique indépendante, et pour lesquels le développement passait d’abord par la culture, il est aujourd’hui salué pour la qualité et la profondeur de son engagement.

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