Jean-Claude Cros et Guy Delbrel
Directeur général Afrique/Moyen-Orient et directeur des relations extérieures
Il y a bien longtemps qu’un dirigeant d’Air France n’avait rendu visite à Jeune Afrique. Choix délibéré, mauvaises relations avec la presse panafricaine, réorientation stratégique des activités ? Jean-Claude Cros, directeur général Afrique/Moyen-Orient d’Air France, et Guy Delbrel, directeur des relations extérieures rattaché à la même direction, ont rompu le silence en venant rue d’Auteuil pour se prêter au jeu des questions-réponses. « Nous avons fait preuve, il est vrai, de beaucoup de discrétion. Lors de mon entrée en fonction, j’ai consacré mon travail à faire évoluer nos produits. Une visite à Jeune Afrique aurait traduit une expression politique », explique Jean-Claude Cros, installé par Jean-Cyril Spinetta, le président d’Air France/KLM, en octobre 2003. Les deux hommes s’apprécient sur le plan professionnel et personnel, les malheurs de la vie – tous deux ont un enfant atteint de surdité – les ayant rapprochés. Économiste et commercial de formation, Cros a occupé des postes à responsabilités dans de grandes entreprises françaises (Spie Batignolles, Thomson, Air Inter puis Air France), mais ne connaissait que peu l’Afrique. Il a vite appris en multipliant les visites sur le terrain.
Pour les questions sensibles, il peut s’en remettre à Guy Delbrel, 58 ans, fin connaisseur du continent et de ses arcanes. Ce dernier a entamé sa carrière comme journaliste au quotidien Libération avant de créer un hebdo d’information générale à Toulouse, à la fin des années 1970. Militant de gauche, Delbrel a côtoyé pendant plusieurs années le révolutionnaire burkinabè Thomas Sankara, dont il a même été le conseiller officieux. En 1984, il devient secrétaire général adjoint du Comité catholique contre la faim. Avant de se lancer, cinq ans plus tard, dans la réalisation de documentaires sur les pays du Sud. En 2000, il intègre Air France pour s’occuper du dossier Air Afrique, que Spinetta tenait à sauver. Il poursuivra sa mission à la direction Afrique/Moyen-Orient, considérée comme la plus sensible par le président du groupe.
Le transporteur français subit régulièrement les attaques de la presse depuis la mort d’Air Afrique. Dirigeants et politiques du continent lui reprochent encore de monopoliser les lignes ou de pratiquer des prix très élevés. « C’est faux. Nous n’empêchons personne de s’installer. Si certaines destinations en Afrique centrale restent onéreuses, c’est parce que nous n’avons pas assez de rotations sur le pays. Mais nous avons déjà considérablement amélioré notre offre en proposant des billets sur de nombreuses grandes villes d’Afrique de l’Ouest à 457 euros l’aller-retour et en augmentant le poids à l’embarquement pour répondre à un souhait de nos clients », plaide Jean-Claude Cros. Malgré ces efforts, les parts de marché en Afrique (18,5 % sur les liaisons Europe-Afrique) ont tendance à s’éroder ces dernières années – la compagnie a accueilli près de 1 million de passagers en 2004-2005, soit 1,9 % de moins que la saison précédente – avec la montée en puissance des transporteurs nationaux (Royal Air Maroc, Air Sénégal International, South African Airways, Ethiopian Airlines) et l’augmentation des liaisons entre l’Afrique et l’Asie, nouvelle route commerciale. « Nous n’avons pas vocation à aller sur ce marché. Notre hub, c’est Paris. La capitale permet de se connecter avec les autres grandes villes d’Europe, d’Amérique et d’Asie », ajoute Cros. Air France peut néanmoins se rattraper sur le créneau des vols à destination des villes pétrolières du golfe de Guinée, très rentables. Le groupe développe actuellement son offre sur le Nigeria et l’Afrique du Sud. En matière de coopération, il a décidé de ne plus prendre de participations dans les compagnies nationales, mais d’appuyer les services au sol, dont il peut également profiter. Une politique d’entreprise qui lui a permis de sortir de l’ère de la Françafrique
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