Fin de parcours

Guus Kouwenhoven, proche de Charles Taylor, a été condamné à huit ans de prison. Grandeur et misère d’un businessman qui s’est enrichi grâce au bois.

Publié le 4 juillet 2006 Lecture : 3 minutes.

Guus Kouwenhoven n’est pas un débutant. L’Afrique, il la connaît : sous l’aspect du business sans scrupule, des relations bien placées et de l’argent qui coule à flots. Pourtant, à 63 ans, l’homme d’affaires qui caracolait dans le Top 500 des plus grosses fortunes des Pays-Bas vient de trébucher. Il a été condamné par le tribunal pénal de La Haye, le 7 juin, à huit ans de prison ferme pour avoir violé l’embargo sur les armes à destination du Liberia.
Depuis 2001, le Conseil de sécurité de l’ONU l’avait identifié comme personnage clé dans la mise en coupe réglée du Liberia par son président, Charles Taylor, lui-même arrêté en mars dernier et transféré le 20 juin à La Haye pour y être jugé. Soutien logistique et financier de ce dernier, membre du premier cercle de ses conseillers, Kouwenhoven est placé sur la liste des proches du pouvoir interdits de voyager. En mars 2003, dans son rapport intitulé « Les suspects habituels », l’organisation non gouvernementale britannique Global Witness met en relief son rôle dans le trafic de bois et d’armes. Kouwenhoven est directeur général et actionnaire de la société Oriental Timber Company (OTC), une multinationale qui exploite les forêts libériennes et exporte, via ses filiales, de grandes quantités de bois vers la Chine. Ses navires grumiers quittent le port de Buchanan pour Hong Kong et Singapour et reviennent avec des cargaisons d’armes fabriquées en Chine, affirme Global Witness.
À la demande de leur gouvernement, des policiers néerlandais enquêtent dans l’administration et les services des douanes portuaires. Ils reçoivent l’aide de David Crane, procureur du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, qui les oriente vers la correspondance, abondante et amicale, saisie en mars 2004 dans l’ancienne résidence de Charles Taylor à Monrovia. Elle démontre la nature personnelle des relations des deux hommes. En juillet 2004, la résolution 1532 gèle leurs avoirs à l’étranger.
Global Witness va jusqu’à dire que l’entreprise possède une milice privée de 2 500 hommes, entièrement à la solde de Taylor. Grâce à l’influence de l’ONG et à celle de Green Advocate, spécialisée dans la lutte pour la préservation de l’environnement, un ressortissant européen est pour la première fois poursuivi devant une juridiction occidentale pour violation d’un embargo décrété par l’ONU. En mars 2005, Kouwenhoven est arrêté à Rotterdam, où il était venu rendre visite à sa fille.
Le procès débute le 24 avril 2006. Le procureur accuse Guus Kouwenhoven de crimes de guerre et tente de démontrer que les armes livrées au Liberia ont servi aux attaques et exactions contre les civils. L’avocate de la défense, Me Inez Weski, réussit à convaincre le tribunal que son client était « un homme coincé entre les forces tentant de renverser Charles Taylor », contraint de fréquenter ce dernier pour pouvoir maintenir ses activités commerciales au Liberia. Il n’aurait agi que pour préserver ses intérêts financiers.
L’affable Néerlandais, désinvolte et richissime, est arrivé au Liberia en 1980, dans les fourgons du sergent-major Samuel Doe, après que ce dernier eut renversé le président William Tolbert. Auparavant, il était cadre supérieur dans une société néerlandaise en Indonésie, puis a exercé des activités d’import-export – produits alimentaires, berlines allemandes – en Sierra Leone. Il est l’ami d’Emanuel Shaw, ministre des Finances de Doe. À la faveur des privatisations, il devient propriétaire de l’Africa Hotel, un établissement de luxe. Un incendie opportun et une grosse police d’assurance lui permettent d’effectuer quelque 4 millions de dollars de travaux d’aménagement. Piscine, courts de tennis, tables de jeux, bars à cocktails, l’élite monrovienne de la politique et des affaires trouve très chic de s’y montrer.
À partir de 1991, les affaires de Kouwenhoven prennent de l’ampleur. Il possède une concession automobile BMW, une flottille de bateaux de pêche, des avions-taxis, et s’intéresse au bois précieux. Il entreprend de se rapprocher de Charles Taylor, en passe de devenir le nouvel homme fort du pays. En quelques années, OTC obtient une concession d’exploitation forestière grande comme la Belgique, soit 1,2 million d’hectares, 42 % de la surface totale de la forêt libérienne. Peu à peu, son directeur général en contrôle 70 %, grâce à un système d’octroi de permis supplémentaires.
Déforestation à outrance, abattage indifférencié d’essences rares, trafic d’armes, milice privée, exactions contre les civils, la liste est trop longue, elle a fini par faire tomber ce « seigneur de la forêt » trop gourmand. Pourtant, depuis la chute de Taylor en août 2003, il s’était sagement replié au Congo-Brazzaville, où il recommençait à déployer ses activités forestières.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires