Début de campagne sous haute tension

Publié le 4 juillet 2006 Lecture : 3 minutes.

Les grandes artères de Kinshasa sont parsemées de banderoles appelant la population à voter, les vendeurs à la criée brandissent les titres de journaux avides de révélations à l’approche du grand jour, et les radios et les télévisions multiplient les émissions politiques. Après six ans d’une guerre qui fit au moins 3 millions de morts, puis trois années de transition à l’issue incertaine, la République démocratique du Congo veut enfin croire à la paix. 25,6 millions d’électeurs (sur 60 millions d’habitants) sont invités à se rendre aux urnes le 30 juillet pour départager 33 candidats à la présidence et 9 707 prétendants aux 500 sièges de députés à l’Assemblée nationale. La campagne officielle a débuté le 29 juin et la fièvre monte.
« On nous tend une bouée de sauvetage ; le processus sera long, mais c’est l’ultime chance qui nous est offerte », argumente Jacques, un partisan de Joseph Kabila, le président sortant soutenu par l’Alliance de la majorité présidentielle (AMP). « Nous ne voulons pas de ces élections et nous allons les empêcher », s’époumone Éliane, une groupie d’Étienne Tshisekedi, l’opposant historique qui a choisi de boycotter la consultation. « Cette stratégie est regrettable car elle prive l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) d’un rendez-vous avec ses militants, alors que les Congolais n’ont qu’un seul désir, voter », commente un observateur.
Outre les incertitudes quant à la situation sécuritaire dans l’est du pays, où des groupes armés restent fort actifs, cette hypothèque Tshisekedi est source de tensions. Le rassemblement organisé par l’UDPS dans un stade de Kinshasa, le 28 juin, n’a mobilisé que quelques centaines de personnes. Mais le lendemain, la mission des Nations unies (Monuc), qui soutient à bout de bras le processus électoral, a révélé que plusieurs de ses véhicules avaient été « caillassés ». Quant aux marches de protestation annoncées le 30 juin dans la capitale, elles ont provoqué des affrontements entre manifestants du Bundu Dia Kongo, un mouvement politico-religieux, et forces de l’ordre dans la ville de Matadi, chef-lieu du Bas-Congo. Bilan : douze morts, selon les Nations unies.
L’autre inquiétude concerne le jeu dangereux auquel se livrent les candidats, pour la plupart dépourvus de véritables programmes : ralliements surprenants, alliances improbables et marchandages en tout genre. Les favoris ont constitué des « plateformes » réunissant une nébuleuse de partis afin de ratisser large. Les autres attendent leur heure pour négocier d’éventuels désistements. Bref, la classe politique ne faillit pas à sa réputation d’opportunisme et de démagogie.
Après les rappels à l’ordre lancés par la communauté internationale, les surenchères nationalistes sur le thème de la « congolité » ont baissé d’intensité. Jamais à court d’imagination, les états-majors rêvent à présent d’engager une « concertation pour une campagne apaisée » censée rassembler l’ensemble des candidats. Mais l’opération laisse deviner bien des sous-entendus et des positionnements tactiques. Sentant la victoire à portée de main, le clan présidentiel estime qu’il n’y a plus rien à discuter depuis l’adoption par référendum de la Constitution, le vote de la loi électorale et la validation des candidatures par la Commission électorale indépendante (CEI). Les principaux challengers demandent en revanche des garanties concernant « leur sécurité, le déroulement du scrutin et l’accès aux médias », selon les propres termes de Jean-Pierre Bemba, vice-président de transition et leader du Mouvement de libération du Congo (MLC).
Une rencontre devait avoir lieu le 26 juin, mais Kabila a fait faux bond, préférant se rendre dans les deux provinces du Kivu. « Ce n’est pas une dérobade, mais notre discours sur l’unité et la réconciliation ne pouvait se passer d’une visite dans cette région. C’est la première fois que le président allait à Goma », estime André-Philippe Futa, le coordonnateur de l’AMP.
Omar Bongo Ondimba entre alors en scène. Le président gabonais tente de rapprocher les points de vue et de favoriser l’adoption d’un « code de bonne conduite ». On convient d’une seconde rencontre, le 30 juin. Le jour dit, les trois vice-présidents candidats (Bemba, Azarias Ruberwa et Arthur Ngoma Z’ahidi) se déplacent, mais pas Kabila, toujours dans l’est du pays. Nouveau rendez-vous manqué. Désirée ou redoutée, cette concertation politique cristallise désormais les tensions, alors que le pays entre dans une période de vide juridique, la transition ayant officiellement pris fin le 30 juin. (Voir aussi pp. 79-81.)

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