Un boom spectaculaire

Publié le 3 juin 2003 Lecture : 3 minutes.

C’est un marché de Nouakchott, en face de la mosquée d’Arabie-Saoudite. Il y a tellement de piétons et de voitures à ses abords que la police doit veiller en permanence. On l’appelle « Noukta Sakhina », en référence à une célèbre émission de la chaîne de télévision qatarie Al-Jazira. Ça veut dire « Point chaud ». Et ça lui va bien. Noukta Sakhina est le temple du téléphone mobile. On peut y trouver, dans une centaine de boutiques d’à peine 6 m2 ou sur les étalages qui envahissent les trottoirs et la chaussée, des appareils d’occasion aux origines et à la qualité parfois douteuses comme des portables neufs de toutes marques, exonérés de taxes à l’importation. Ce marché informel, qui fait vivre entre quatre cents et cinq cents personnes au moins, est le signe le plus spectaculaire du boom provoqué par la privatisation du secteur des télécommunications, opération menée depuis 1999.
Même la Banque mondiale, qui dépêche tous les six mois une mission chargée de superviser le Projet d’appui à la réforme de la Poste et des Télécommunications, s’en réjouit. Pour preuve, le courrier envoyé au gouvernement mauritanien le 18 mars 2003 : « La mission est très satisfaite de la manière dont ce Projet est géré et félicite le gouvernement pour les résultats très positifs de la réforme du secteur. » Il faut dire que les autorités ont respecté le processus de privatisation à la lettre : désignation d’une autorité de régulation pour la séparation des fonctions de réglementation et d’exploitation en septembre 1999 ; scission de l’Office des Postes et des Télécommunications en deux entités autonomes (Mauripost et Mauritel) trois mois plus tard ; mise en place du Projet d’appui à la réforme en 2000, avant le lancement des appels d’offres internationaux.
Quatre jours avant sa nomination au poste de ministre de la Communication et des Relations avec le Parlement, le 5 mai dernier, Hamoud Ould M’Hamed nous apportait des précisions sur ce Projet d’appui dont il avait la charge : « D’après les comparaisons faites par la Société financière internationale du groupe Banque mondiale, qui nous a conseillés dans ce programme, nous avons vendu l’accès au téléphone mobile le plus cher du monde par rapport au nombre d’habitants. » De fait, la Mauritanie a vendu deux licences de téléphonie mobile au prix unitaire de 28 millions de dollars. La première a été acquise en juin 2000 par la société Mauritano-tunisienne des télécommunications (Mattel), un consortium entre Tunisie Télécom et des investisseurs privés mauritaniens. La seconde a été accordée en juillet 2000 à Mauritel Mobiles, filiale de l’opérateur national Mauritel. En avril 2001, le gouvernement cédait la gestion et 54 % du groupe Mauritel (fixe et mobile) à Ettisalat al-Maghrib (Maroc Télécom et Vivendi). À charge pour l’entité de rétrocéder 3 % au personnel, selon la formule de l’intéressement avec préfinancement. Ce ticket d’entrée sur le marché mauritanien lui aura coûté un peu plus de 48 millions de dollars.
Sachant que le pouvoir d’achat des Mauritaniens est parmi les plus faibles d’Afrique et que la densité téléphonique était estimée à 0,43 ligne pour 100 habitants, les acquéreurs n’espéraient attirer que quelques dizaines de milliers d’abonnés au téléphone mobile. Prévisions largement démenties : à la fin du premier trimestre de 2003, on en comptait environ 300 000, dont 120 000 pour Mattel et 180 000 pour Mauritel… Les investisseurs et l’Autorité de régulation sont contents.
Cette dernière estime positives les retombées des privatisations sur le plan macroéconomique. Il n’y a pas eu de licenciements mais au contraire plusieurs centaines d’emplois directs et indirects créés. Les nouveaux opérateurs ont investi 124 millions de dollars les deux premières années. Tout cela a entraîné une hausse de la productivité de l’économie et permis l’amorce d’une baisse des tarifs des communications. Contrairement à ce qui a pu être observé dans d’autres pays, le téléphone fixe n’a pas été supplanté par le mobile : on recensait 34 000 abonnements fin 2002, contre 18 260 en 1999, à la veille des privatisations.
Pour Ould M’Hamed, il est important de souligner que l’apparition de nouveaux opérateurs a surtout permis de désenclaver plusieurs régions. Le gouvernement a ainsi exigé de l’opérateur du fixe de desservir 22 des 53 chefs-lieux de moukataa (« provinces ») qui n’étaient pas accessibles. Huit provinces sont d’ores et déjà raccordées, les suivantes devront l’être avant 2005. Les opérateurs du mobile se sont quant à eux occupés de toutes les moukataa situées sur les principaux axes routiers, mais atteignent toujours moins de 20 % des autres. Ils ont encore du pain sur la planche : « Il reste des défis sur la qualité de service et la fluidité des flux, estime un ingénieur du secteur. Ils ont aussi à faire un effort supplémentaire au niveau des tarifs. » s

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires