M6 et les « voyous »

Le souverain n’a pas eu de mots assez durs pour qualifier les auteurs des attentats du 16 mai. Et met en garde tous ceux qui « exploitent la démocratie pour porter atteinte à l’autorité de l’État ».

Publié le 5 juin 2003 Lecture : 2 minutes.

Treize jours après les dramatiques attentats du 16 mai, c’est un Mohammed VI grave, solennel et en costume sombre, aussi classique et professionnel que son père en pareille occasion était subjectif et parfois passionné, qui s’est adressé à son « cher peuple » depuis le palais de Casablanca, la ville meurtrie. Dix minutes d’un discours sobre et ferme, lu avec plus de retenue que d’ordinaire, pour rassurer des Marocains traumatisés et esquisser un projet de société. Le roi n’a pas eu de mots assez durs pour qualifier les terroristes, « ignobles scélérats qui ne peuvent en aucune manière se réclamer du Maroc ou de l’islam authentique » et qui ont « trahi leur patrie et tué perfidement » ; « bande de voyous crapuleux » en face desquels une seule réponse est possible : « le terrorisme ne passera pas ».
Mais l’adresse royale ne se limite pas à cette condamnation aussi attendue que partagée par la grande majorité des Marocains. Ceux qui, « faisant mauvais usage de la liberté d’opinion, se sont cantonnés dans une opposition systématique aux orientations des pouvoirs publics », ceux qui « exploitent la démocratie pour porter atteinte à l’autorité de l’État », ceux dont « les idées représentent un terreau pour semer les épines de l’ostracisme, du fanatisme et de la discorde », ceux, enfin, qualifiés de « désinvoltes », qui mènent campagne contre « les autorités publiques et judiciaires », sont dans le collimateur royal. Il faut un « État fort » dans le cadre « de la démocratie et de la suprématie de la loi ».
Ce message, d’un roi confronté à sa plus grave crise depuis son accession au trône il y a bientôt quatre ans, s’adresse à la fois aux partis et mouvements islamistes dits modérés, au premier rang desquels le Parti de la justice et du développement (PJD) et l’association que dirige Cheikh Yacine, ainsi qu’aux médias et ONG qui avaient fait de la critique du pouvoir et de ses supposées « dérives sécuritaires » leur pain hebdomadaire.
Il vise aussi toute une fraction de la bourgeoisie marocaine, tentée de passer un compromis résigné et quasi vichyssois avec les « barbus », dont l’ascension est perçue comme irrésistible. Dans son discours, Mohammed VI n’a d’ailleurs pas hésité à revendiquer l’un des deux mots tabous – avec Makhzen – du « politiquement correct » marocain d’aujourd’hui : celui de sécuritaire. Le sécuritaire, dit-il, est l’un des volets de « notre stratégie globale ». Tout comme il y a, aux États-Unis, un avant- et un après-11 septembre, le royaume est entré dans l’ère de l’après-16 mai.

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