L’appel du Sahara

Les tour-opérateurs multiplient les offres pour suivre les traces des nomades du désert. Une invitation au voyage sportif, culturel et spirituel.

Publié le 3 juin 2003 Lecture : 3 minutes.

Depuis cinq ans, le français Nouvelles Frontières augmente ses ventes de circuits dans le Sahara de 20 % à 25 % par an, contre 10 % pour les autres destinations. Selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), la Mauritanie a accueilli 30 000 touristes en 2000, soit 6 000 de plus qu’en 1999. Maurice Freund, ex-directeur d’Air Mali, est l’un des premiers à avoir ouvert la voie. En 1995, il crée la coopérative de voyageurs Point-Afrique. Son objectif : utiliser le tourisme comme vecteur pour désenclaver certaines zones d’Afrique et y développer des activités économiques génératrices d’emploi. Un principe qui avait déjà montré son efficacité dans les années soixante-dix avec le Point-Mulhouse, association pionnière des vols charters vers l’Amérique du Sud, les Antilles et l’Afrique. En 1996, 135 personnes inaugurent le premier charter Paris-Atar. En 2001, plus de 8 000 se sont envolées pour la Mauritanie via Point-Afrique. La coopérative propose la semaine tout compris à partir d’environ 840 euros. De quoi donner envie d’un petit raid en 4×4 dans l’Adrar mauritanien…
Du coup, les autres tour-opérateurs ont été contraints de revoir leurs prix à la baisse. Il faut compter aujourd’hui environ 1 300 euros par personne pour un circuit de huit jours avec Nouvelles Frontières, et environ 1 150 euros pour une méharée de même durée dans la vallée blanche avec Comptoir des déserts. Certes, parcourir le Sahara en passant par Fort Saganne, Ouadane et Chinguetti, ou découvrir les milliers d’oiseaux du Parc national du banc d’Arguin est encore plus onéreux qu’une semaine en club à Djerba, en Tunisie, mais les tarifs ont tout de même baissé d’au moins 20 % en dix ans.
Cette « démocratisation » de la destination Mauritanie n’aboutira toutefois probablement pas à un tourisme de masse. Les structures hôtelières faisant défaut, le tourisme saharien et sportif, concentré dans la région de l’Adrar, prend tout naturellement le pas sur un tourisme balnéaire. La plupart des voyagistes spécialisés, qu’il s’agisse des opérateurs étrangers ou des organismes privés mauritaniens, insistent d’ailleurs sur le respect de l’environnement et le partage des valeurs culturelles. Dans le sillage de Point-Afrique, les Mauritaniens de Poussières d’étoiles prônent un tourisme solidaire. Chacun des séjours organisés par leurs soins participe au financement d’un projet d’aide à la scolarisation de dix enfants mauritaniens, dans un bidonville de Nouakchott, en partenariat avec la mission catholique de Mauritanie. Six euros sont ainsi prélevés sur le prix de vente du voyage et redistribués.
Si le désert mauritanien n’est pas en passe de devenir une « nouvelle Ibiza », les voyagistes tentent néanmoins d’élargir leur public. Chemins de sable, la filiale « confort » de Point-Afrique, propose des circuits pour aventuriers désireux d’authenticité, mais pas trop quand même : dans cette formule, les matelas sont plus épais, et on marche moins… Comptoir des déserts mise aussi sur une demande plus « spirituelle » en organisant des traversées en solitaire « sur mesure » pour cadres dynamiques en perte de repères existentiels.
Mais, comme partout, la standardisation de l’offre touristique et la « charterisation » ont des effets pervers qu’il convient de prévenir à tout prix : d’une part l’engorgement et la dégradation des sites, et d’autre part le manque d’implication des populations locales. Deux conséquences qui iraient à l’encontre de l’attrait principal de la Mauritanie : un espace naturel et culturel préservé. Aujourd’hui, l’enjeu pour le pays est de fidéliser une clientèle qui pourrait être séduite par l’Algérie, qui rouvre ses portes au marché touristique après une décennie quatre-vingt-dix marquée par le terrorisme, ou par le Tchad, le Mali et le Niger.

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