Comme une plante…
Naissance de l’Unité africaine
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A l’aéroport d’Addis-Abeba dimanche 26 mai 1963 à 7 heures du matin, je regardais les chefs d’État faire leurs adieux à Haïlé Sélassié. Cinq heures auparavant seulement, ayant signé la Charte africaine, ils regagnaient leur hôtel sous les acclamations. Je me demandais, en voyant les portes des avions se fermer sur les chefs d’État, les Boeing, les Caravelle, les DC-6 et les Iliouchine décoller un à un et s’engager dans des directions différentes, ce que pensaient ces hommes qui venaient de vivre ensemble des moments importants et de prendre des engagements précis. Je me demandais aussi, l’émotion dissipée, ce qui resterait de cette grande réunion.
Pour avoir vécu la conférence parmi les chefs d’État et leurs collaborateurs, je crois pouvoir dire ceci.
Chefs d’État, délégués, journalistes sont venus à la conférence dans l’ensemble assez sceptiques, appréhendant l’affrontement de tempéraments trop divers, le choc entre conceptions opposées de l’indépendance nationale, de l’Unité africaine ou des rapports de l’Afrique avec l’étranger. Nous sommes tous repartis optimistes : l’idée de l’Unité africaine a sa résonance ; la solidarité africaine est une réalité ; le progrès en Afrique est une sérieuse possibilité.
Les différences entre Africains blancs et Africains noirs, entre anglophones et francophones existent, mais elles ont tendance à s’estomper devant le passé colonial commun, le présent semblable et un avenir nécessairement interdépendant.
Certes, bien peu de pays africains sont proches du « décollage » économique, bien peu forment suffisamment de cadres pour se libérer du néocolonialisme de fait, bien peu réussissent à assurer chez eux le respect de la personne humaine, la démocratie politique et sociale, bien peu ont résolu le problème que pose une jeunesse exigeante. Mais tous ou presque en sont sérieusement préoccupés, tous ou presque cherchent, à travers une voie socialiste ou une autre, à y parvenir. Dans tous existent des forces réelles qui poussent au progrès et à la démocratie.
Cette plante, il faut maintenant la nourrir d’eau claire et pure. Ni trop : on la noierait ; ni trop peu : elle s’étiolerait.
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