RD Congo : le e-banking peine à s’imposer
Pour payer les fonctionnaires de la RD Congo vivant en zone rurale, le e-banking semblait la solution idéale. Mais sur le terrain, le test n’est pas très concluant.
Longtemps assuré par des agents de l’État, le versement du salaire des fonctionnaires congolais est désormais confié aux établissements bancaires. Dès mai 2013, tous les fonctionnaires, soit un million de personnes sur tout le territoire, étaient donc bancarisés (détenteurs d’un compte)… Officiellement, du moins.
Ceux qui résident en ville n’ont plus qu’à se rendre dans l’agence la plus proche pour retirer leur solde. Quelque 60 % du total des salaires sont ainsi perçus. Pour ceux qui vivent en zone rurale, loin des guichets, c’est plus compliqué. À charge pour les banques de leur faire parvenir leur paie – une tâche immense dans ce pays de 2,35 millions de kilomètres carrés, qui ne dispose que de quelques milliers de kilomètres de routes asphaltées.
Dans certains territoires particulièrement mal desservis, certains agents ne disposent pas de l’électricité… et encore moins d’un téléphone
Pour les seconder, trois opérateurs téléphoniques dotés chacun d’une société spécialisée dans le paiement mobile (ou e-banking), Tigo Cash, Airtel Money et M-Pesa Vodacom, ont signé un contrat avec l’Association congolaise des banques, qui centralise et redistribue les listes de paiement des fonctionnaires. Pour eux, le versement de ces salaires constitue un excellent test.
Logistique
Oui mais voilà, le test n’est jusqu’à présent pas très concluant dans les zones reculées. « Il faut tenir compte des difficultés logistiques », justifie Placide Lengelo, responsable du secteur public au sein du groupe panafricain Ecobank. Certains fonctionnaires ont par exemple reçu un SMS les alertant du versement de leur salaire, mais sans savoir où aller retirer l’argent. Beaucoup se sont alors tournés vers les vendeurs spécialisés en téléphonie mobile, lesquels, n’étant pas associés au programme, n’ont pu les aider. Sans compter que, dans des territoires particulièrement mal desservis, certains agents ne disposent pas de l’électricité… et encore moins d’un téléphone.
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Second grief : le paiement du service. Les banques qui sous-traitent le versement des salaires aux opérateurs télécoms les rémunèrent sur la base de 1,20 dollar (environ 0,90 euro) par transfert effectué, un montant jugé insuffisant. « On perd de l’argent à chaque opération », résume Jonathan Johannesen, responsable de Tigo Cash.
De leur côté, les banques, payées par l’État trois fois cette somme pour chaque dossier de fonctionnaire traité, font passer le même message au gouvernement : c’est suffisant en ville, mais trop peu pour les zones reculées.
Enclavés
Résultat : les autorités congolaises ont dû « procéder à un repli stratégique », selon l’expression de Jean-Louis Kayembe, président du comité de suivi de la paie à la Banque centrale du Congo. Tous les groupes de téléphonie mobile, excepté Tigo RDC, qualifié de « partenaire le plus fiable » par un banquier kinois, se sont vu retirer le paiement des fonctionnaires. Jean-Louis Kayembe assure cependant vouloir retravailler rapidement avec « les plus opérationnels d’entre eux ».
Stéphane Teyssèdre, le directeur général de Tigo RDC, explique quant à lui que les opérateurs télécoms sont en pleine renégociation des contrats dans les zones où ils perdent de l’argent. Et avance que les montants de leurs prestations pourraient être revus à la hausse dans les territoires les plus enclavés. Afin de parler d’une seule voix, les opérateurs se sont réunis au sein d’une association professionnelle, à la Fédération des entreprises du Congo. Malgré les aléas techniques, ils continuent à placer beaucoup d’espoirs dans le déploiement de leurs solutions mobiles sur le vaste marché congolais.
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