Vivre en Irak sous Saddam

Zaman, l’homme des roseaux, d’Amer Alwansorti à Paris le 28 avril

Publié le 4 mai 2004 Lecture : 2 minutes.

Ce film peut à juste titre susciter la curiosité. Et même, bien qu’il raconte une histoire imaginaire, se voir comme un documentaire. Il s’agit en effet du seul long-métrage de fiction tourné ces dernières années en Irak, juste avant la guerre déclenchée par les Américains. Il permet donc en partie d’imaginer, en regardant le décor comme en écoutant les dialogues, à quoi pouvait bien ressembler la vie de gens ordinaires dans le pays de Saddam Hussein, alors isolé du reste du monde.
Le réalisateur, il est vrai, a pu ressentir au premier degré ce qu’était alors devenu son pays natal. Originaire de Babylone, exilé depuis le début des années 1980 en France, il a retrouvé vingt ans après une terre et une population ravagées par deux guerres, un embargo très strict et un parti Baas omniprésent et omnipotent. Faire venir de la pellicule sur place était impossible – cette matière comprenant des produits chimiques, son importation était interdite. Il a donc fallu se contenter d’utiliser – fort bien d’ailleurs, vu le résultat – la vidéo numérique. Tourner, ensuite, impliquait chaque jour de jouer au chat et à la souris avec les autorités qui envoyaient des représentants de la censure pour vérifier en permanence qu’aucune scène ne portait atteinte à l’image du régime. Quand la coalition américano-britannique a attaqué, quatre heures de rushs, ainsi, ont été provisoirement confisqués, car ce qu’ils montraient était considéré comme suspect. Ils ont été perdus à jamais, amputant l’oeuvre finale d’un bon quart d’heure.
Le scénario, pourtant, est apparemment plutôt « inoffensif », si ce n’est qu’il permet, en racontant un voyage, de montrer au passage divers aspects de la réalité du pays. Il s’agit en effet, si l’on nous permet l’expression, d’un « boat-movie ». Zaman, bien que très pauvre, mène une vie relativement paisible dans les marais de cette région chiite du sud de l’Irak où les eaux du Tigre et de l’Euphrate se mêlent à la terre. Mais sa femme, avec laquelle il vit dans une modeste hutte en roseaux, est atteinte d’un mal étrange, peut-être lié à la situation de guerre. Il lui faut aller chercher à la ville le seul médicament qui, d’après le médecin local, peut la soigner. Il prend donc son bateau et, au fil des jours, désespéré de ne pouvoir trouver le remède rendu rare par l’embargo, remonte le fleuve jusqu’à découvrir la civilisation moderne à Bagdad, où, par miracle, il trouvera, après diverses péripéties, ce dont il a besoin.
À travers le parcours initiatique de ce paysan, le réalisateur veut louer le mode de vie, la sagesse et le courage des habitants de l’ancienne Mésopotamie. Et nous alerter sur la probable fin prochaine d’une culture millénaire, celle de ces gens des marais magnifiquement solidaires malgré leur dénuement. Son film, très beau bien que parfois un peu lent et au propos plutôt mince, réussit à nous faire aimer l’Irak traditionnel et ses habitants – du moins ceux qu’il nous montre. Assurément un heureux contrechamp face à la situation actuelle que connaît le pays.

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