Rêve de lumière

Publié le 4 mai 2004 Lecture : 3 minutes.

Penser que tous les habitants d’Afrique centrale auront l’électricité d’ici à 2050 relève-il de l’utopie ? L’examen des statistiques disponibles ne pousse guère à l’optimisme. Sur 115 millions d’habitants dans la sous-région, seuls 1,3 million de foyers sont raccordés à un réseau électrique. La consommation annuelle par habitant n’est que de 109 kilowattheures, contre 740 kWh en moyenne pour l’Afrique. En milieu rural, rares sont les villages qui bénéficient de l’éclairage public. La plupart des paysans de la région s’éclairent encore à la bougie et à la lampe à pétrole, ou, pour les plus nantis, au groupe électrogène. En milieu urbain, les quartiers populaires ne sont guère mieux lotis. Même dans les zones huppées, le raccordement au réseau n’est pas un gage de courant vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Le quotidien de nombreux citadins est fait de coupures intempestives et parfois interminables, de délestages réguliers et de nombreuses surtensions qui occasionnent bien des dégâts sur les appareils ménagers. Ce problème ainsi que celui des impayés et de la fraude (dérivations anarchiques sur les réseaux) ont amené les gouvernements – sous la pression des bailleurs de fonds – à privatiser les sociétés nationales. Avec des résultats encore irréguliers.

Malgré ce tableau très sombre, l’espoir est permis. Il repose en partie sur la volonté politique des dirigeants et l’ambitieux projet d’interconnexion électrique de l’Afrique centrale. Ce projet n’est pas nouveau… mais les responsables politiques régionaux et l’Union des producteurs, transporteurs et distributeurs d’énergie d’Afrique (UPDEA) – qui ont créé en avril 2003 le Pool énergétique d’Afrique centrale (PEAC), une structure dont la mission est d’assurer le développement des systèmes électriques – semblent enfin prêts à le sortir des tiroirs. Et les conditions n’ont d’ailleurs rarement été aussi favorables : la sous-région connaît un processus de pacification, les pays relancent leur coopération à travers la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (Ceeac) et le Nouveau Partenariat économique pour le développement de l’Afrique (Nepad) devrait permettre de mobiliser des financements. La Banque africaine de développement finance actuellement une étude, de plus de 3,5 millions de dollars, sur l’interconnexion des réseaux électriques des pays membres de la Ceeac.
L’épicentre de cette initiative se trouve en RD Congo, le pays qui possède le potentiel hydroélectrique le plus important. Et plus particulièrement à Inga (à 300 km de Kinshasa), une série de rapides sur le fleuve Congo dont les capacités sont très largement inexploitées. Il s’agit de l’un des meilleurs sites de production électrique au monde avec un débit régulier de l’ordre de 42 000 m3 d’eau par seconde et un coût de production très bas (entre 1,08 dollar et 1,44 dollar le kWh). La RDC, c’est une puissance hydroélectrique estimée à 100 000 mégawatts (MW), dont 40 000 MW pour la seule zone d’Inga. À partir de ce site, les opérateurs prévoient la construction de quatre « autoroutes de l’énergie ».

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La première relierait le Congo, la Centrafrique, le Soudan et l’Égypte. Le deuxième axe traverserait le Congo, le Gabon, le Cameroun et le Nigeria avec un raccord vers la Guinée équatoriale. Le troisième passerait par l’Angola, la Namibie, le Botswana et l’Afrique du Sud. Enfin, la dernière liaison partirait de la RDC vers la Zambie, le Zimbabwe, le Botswana et l’Afrique du Sud. Pour mener à bien ce projet, les estimations initiales tablent sur un coût de près de 13 milliards de dollars ! Les États et les bailleurs de fonds devront donc apporter leur concours aux opérateurs privés. Parmi ces derniers, le consortium Westcor, qui rassemble le géant sud-africain Eskom, Botswana Power Corporation, Nampower of Namibia et la Société nationale d’électricité du Congo, paraît le candidat le plus sérieux pour réaliser les premiers investissements. Le barrage d’Inga produit actuellement 1 800 MWh. Mais Westcor envisage de porter son potentiel à 3 500 MWh d’ici à 2010. L’achèvement des autoroutes n’est pas prévu avant 2040.

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