Produire du courant

Le gaz naturel reste pénalisé par des coûts de transport élevés. À moins de l’utiliser pour créer de l’électricité.

Publié le 4 mai 2004 Lecture : 4 minutes.

Le gaz naturel et le pétrole sont généralement présents dans les mêmes gisements. Exceptionnellement, il arrive que le premier soit seul, comme dans les grands réservoirs de Sibérie ou du Qatar. Les réserves mondiales en gaz naturel sont équivalentes à celles de pétrole et assureraient encore plus de soixante ans de consommation. L’Afrique occupe une place honorable, avec 5 % de la production mondiale et 7 % des réserves de la planète. L’Algérie assure, à elle seule, 63 % de la production africaine, ce qui en fait le cinquième producteur et le quatrième exportateur mondial. Une vingtaine d’autres pays du continent exploitent le gaz naturel, dont l’Égypte (17 % de la production africaine), le Nigeria (11 %) et la Libye (4 %). Pourtant, la valorisation de ce produit n’est pas toujours satisfaisante. Le cas du Nigeria est révélateur. Par ses réserves prouvées en gaz naturel, le double de ses réserves en pétrole, le Nigeria se classe au dixième rang mondial. Or, à la fin des années 1990, le gouvernement s’est alarmé des déperditions trop importantes de gaz lors de la production de pétrole brut. En effet, lors de l’extraction du pétrole, le gaz présent est souvent brûlé dans les cheminées torchères. Pourquoi tant de gâchis ?
À énergie égale, le coût de transport moyen par gazoduc est quatre fois plus élevé que par oléoduc, et dix fois plus élevé par méthanier que par pétrolier. La consommation de gaz naturel, bien qu’en période de croissance, demeure plus faible que celle du pétrole. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant de constater que les pays producteurs autoconsomment plus de 70 % de leur production. Les pays africains n’échappent pas à cette règle, le pétrole est facilement exporté alors que le gaz produit est consommé en grande partie sur place. En Algérie, il représente ainsi 40 % de la consommation nationale d’énergie. En trente ans, la distribution publique du gaz, gérée par Sonelgaz, a connu un essor considérable grâce à une politique de prix abordables. Le gouvernement algérien s’est engagé dans un programme triennal, qui prévoit d’achever en 2004 la réalisation de 8 000 km de réseau. Cent quatre-vingt-huit nouvelles localités doivent être raccordées au réseau, et 360 000 nouveaux foyers alimentés.
En Afrique de l’Ouest, le marché régional est moins développé. Peu de foyers sont équipés de cuisines modernes et la biomasse traditionnelle, comme le bois de chauffage, demeure la principale source d’énergie. Au Nigeria, le gouvernement encourage depuis quelques années le développement de projets industriels à partir du gaz comme les centrales électriques ou thermiques, les usines sidérurgiques, d’aluminium ou d’engrais. Complétée par des mesures d’incitations fiscales, cette politique volontariste fait qu’en quatre ans les déperditions de gaz lors de l’extraction pétrolière seraient passées de 71 % à 51 %.
L’exportation de gaz naturel est également une source de revenu non négligeable. En Algérie, la compagnie nationale Sonatrach s’est fixé comme objectif d’exporter 85 milliards de m3 de gaz par an d’ici à 2010 au lieu de 60 milliards actuellement. L’Algérie contribue à l’approvisionnement en gaz naturel de l’Europe par deux gazoducs traversant la mer Méditerranée, le Galsi vers l’Italie et le Medgaz vers l’Espagne. De son côté, depuis juillet 2003, l’Égypte a commencé à commercialiser du gaz naturel vers la Jordanie via le pipeline Taba-Aqaba.
Par ailleurs, la mise en service du gazoduc de l’Afrique de l’Ouest (PGAO), qui devrait relier Lagos (Nigeria) à Takoradi (Ghana), est attendue avec impatience dans une région faiblement dotée en infrastructures. Sa longueur totale, essentiellement maritime, sera de 617 km, pour un coût d’investissement de l’ordre de 500 millions d’euros. L’aboutissement de ce projet, prévu en 2005, permettra au gaz naturel nigérian, d’alimenter le Bénin, le Togo et le Ghana, qui consommera à lui seul 84 % du produit transporté. Une initiative plus ambitieuse, une liaison de 4 000 km entre le Nigeria et l’Algérie, est toujours à l’étude. Sa réalisation tarde en raison d’un budget prévisionnel élevé à 5 milliards d’euros. Il permettrait pourtant d’offrir au gaz nigérian un débouché européen.
La liquéfaction du gaz naturel à – 160 °C, bien qu’onéreuse, permet un mode de transport par bateau complémentaire du gazoduc. Une douzaine de pays dans le monde possèdent des équipements de liquéfaction, dont l’Algérie, la Libye et le Nigeria. Le commerce par tankers de GNL (gaz naturel liquéfié) est en forte croissance. Sa part dans le commerce international du gaz naturel est passée de 5 % en 1970 à plus de 25 % trente ans plus tard. Et le commerce de GNL, essentiellement par méthaniers, devrait tripler dans les vingt prochaines années. L’Algérie, qui développe l’industrie du GNL depuis 1964, est actuellement le deuxième exportateur mondial, et Sonelgaz continue à investir dans de nouveaux équipements de liquéfaction. Au Nigeria, la construction à Bonny Island d’une usine de liquéfaction de gaz naturel d’un coût de 6 milliards d’euros a commencé au début des années 1990. Mais si son intérêt commercial est justifié, les travaux ont connu du retard en raison de malversations financières.
Autre débouché pour le gaz naturel : son utilisation pour produire du « courant ». Les centrales de production d’électricité à partir du gaz ont un marché à capter avec la mise en place d’interconnexions électriques continentales. Le Maghreb est maintenant relié au réseau européen, via le détroit de Gibraltar, au sein d’une grande boucle méditerranéenne qui doit être achevée en 2005. Le gaz naturel algérien pénétrera ainsi le marché européen, non plus seulement par les gazoducs existants, mais aussi par des câbles électriques qui passeront sous la Méditerranée.

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