Médicaments sans ordonnance

Les courriels proposant la vente libre de molécules vedettes à bas prix se multiplient. Non sans danger, selon l’Organe international de contrôle des stupéfiants.

Publié le 4 mai 2004 Lecture : 3 minutes.

« Buy Viagra at cheap rates », « Prozac without prescription »(*). Lequel d’entre nous ne reçoit pas quotidiennement, dans sa boîte aux lettres électronique, ce type de messages publicitaires ? Ces courriels indésirables qui font pester beaucoup d’internautes et engorgent depuis plusieurs années le Web ont un nom : spams (en français, on dit « pourriels », une contraction de poubelle et de courrier électronique). Ils proposent à prix cassés, et sans ordonnance, des molécules qui requièrent normalement un avis médical approprié. Les analgésiques, les tranquillisants, les anxiolytiques, les amphétamines, les médicaments destinés à combattre les dysfonctionnements érectiles et, sans doute, les placebos sont bradés parfois « 40 % moins cher » que dans une pharmacie traditionnelle. En toute impunité.
Dans son dernier rapport, publié début mars, l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS), un organisme onusien dont le siège se trouve à Vienne, en Autriche, s’inquiète de l’augmentation du trafic de médicaments sur Internet. Les spams représentent aujourd’hui 54 % des messages électroniques échangés dans le monde (la proportion était de 7 % il y a encore trois ans). Et 54 % de ces spams ne sont pas, comme on aurait pu l’imaginer, des messages pornographiques, politiques ou ludiques. Ils vantent souvent les mérites de produits pharmaceutiques d’origine douteuse.
Les revendeurs exploitent un marché lucratif composé de personnes dépendantes de certains produits qui ne veulent plus passer par leur médecin pour se les procurer, ou désireuses de faire des cocktails, espérant ainsi augmenter leur chance de guérison. « La vente de ces substances illégales sans ordonnance et sans avis médical comporte de sérieux risques pour les consommateurs, en particulier lorsque les annonces publicitaires qualifient les substances en question de légères et inoffensives », souligne le rapport de l’OICS. Par ailleurs, les contre-indications tout comme les effets secondaires liés à l’absorption des produits ne sont pas clairement énoncés dans les messages électroniques. Certains, comme la Ritaline, destinée aux enfants hyperactifs, sont même présentés à tort comme « doux et sans danger ».
L’OICS a repéré des quantités significatives de médicaments dans des centres de tri postal en Thaïlande et en Inde, deux pays considérés comme des plaques tournantes du trafic. Une grande partie des produits vendus sur Internet vient cependant du Pakistan. Localiser et identifier les coupables reste une tâche difficile, sinon impossible, vu l’énorme quantité de courriers qui sort chaque jour de ces centres. Selon le rapport, « le contrôle des pharmacies sur Internet est rendu plus ardu du fait que celles-ci peuvent opérer dans toutes les régions du monde et s’adaptent facilement, car elles peuvent changer de lieu d’implantation si les circonstances l’exigent, notamment si un pays donné durcit sa législation et ses mesures de détection et de répression ».
L’organisme international, considéré comme une sorte de brigade des stups de l’ONU, invite donc les États à redoubler d’efforts pour lutter contre la prolifération de publicités sauvages proposant l’achat de médicaments sur le Net. Une solution, préconise-t-il, serait de revoir de fond en comble les législations et de les harmoniser, car elles sont, dans certains pays, trop laxistes. L’OICS encourage la coopération entre les gouvernements, les administrations postales, les services de douanes et les instances judiciaires. « La coopération entre les douanes et l’administration postale dans un pays d’Europe centrale, où des chiens renifleurs ont été utilisés pour détecter des colis postaux illicites, s’est traduite par une chute sensible de ces envois. Autre exemple : la conjugaison des efforts entre les États-Unis et la Thaïlande a permis, en 2000, de combattre plus efficacement dans ce dernier pays des pharmacies opérant sur Internet. »

* « Du Viagra à des prix imbattables » ; « Prozac sans ordonnance ».

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