Cancer : le dépistage par prise de sang, un espoir pour l’Afrique

Dirigée par un scientifique américain d’origine éthiopienne, Illumina a développé un procédé permettant de détecter simplement plusieurs dizaines de cancers. Une technologie adaptée au continent, où cette société veut rapidement se développer.

La société Illumina, fondée en 2016, fait figure de leader sur le marché du séquençage génétique © Illumina

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Publié le 28 février 2022 Lecture : 4 minutes.

L’invention de la société de biotechnologies californienne Illumina va-t-elle révolutionner le traitement des cancers, en Afrique et dans le monde, où la maladie fait 10 millions de victimes chaque année ? Son PDG Francis deSouza, 51 ans, en est convaincu : « Nous proposons aujourd’hui un procédé qui permet de détecter de façon précoce une cinquantaine de formes de cancer grâce à une prise de sang. Or plus on détecte un cancer tôt, plus on a de chances de sauver le patient ». Seuls cinq formes de cancer font aujourd’hui l’objet d’un dépistage systématique – dans les pays où cela existe –, rappelle-t-il, et certaines des formes les plus dangereuses, comme celle qui s’attaque au pancréas, ne se manifestent par aucun symptôme avant qu’il ne soit trop tard.

« C’est une solution particulièrement adaptée à l’Afrique, ajoute ce patron de la Silicon Valley, car un cancer pris très tôt peut souvent être traité par la chirurgie. Or, si le continent n’est pas bien équipé pour l’immunothérapie, il l’est beaucoup mieux en chirurgie. »

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En négociation avec l’Afrique

Francis deSouza, PDG de la société de biotechnologies californienne Illumina © Illumina

Francis deSouza, PDG de la société de biotechnologies californienne Illumina © Illumina

Peu connue hors des États-Unis, la société Illumina, que Francis deSouza dirige depuis 2016, fait figure de leader sur le marché du séquençage génétique et est valorisée à hauteur de plus de 43 milliards de dollars. En ce début d’année, l’Américain, né en Éthiopie en 1970 et diplômé du Massachusetts Institute of Technology (MIT) en 1992, est en négociations tous azimuts. En Europe et aux États-Unis, il tente de faire accepter par les autorités de la concurrence l’absorption par sa société de Grail, la filiale qui a développé la technologie des tests sanguins. En Afrique, il discute à la fois avec l’Union africaine, les laboratoires, les hôpitaux, les chercheurs et les organismes chargés du financement de la santé pour les convaincre de l’utilité de sa découverte.

Né en Éthiopie, le scientifique ne veut surtout pas voir sa technologie réservée aux pays riches

S’il a quitté le continent lorsqu’il avait quatre ans, le scientifique y reste très attaché et ne veut surtout pas voir sa technologie réservée aux pays riches. « Le moment est bon, estime-t-il. Beaucoup de progrès ont été accomplis en Afrique depuis 18 mois, avec la pandémie. Tout le monde a compris l’utilité du séquençage génétique et, aujourd’hui, 51 pays du continent sont capables de séquencer, soit sur leur propre sol soit à travers des hubs régionaux. Nous discutons avec tous les professionnels de santé, avec les grands donateurs comme la Fondation Gates, avec les organismes chargés du remboursement des soins. Nous leur expliquons que notre solution a aussi des avantages économiques : un cancer pris à temps, c’est avantageux pour le malade mais cela représente aussi moins de dépenses de santé. »

Une analyse à 100 dollars

S’il reste illusoire de tester l’ensemble de la population, les dirigeants d’Illumina estiment que leur analyse devrait être réalisée sur tous les plus de 50 ans, ainsi que sur les personnes dont un parent proche a été victime d’un cancer. Tout cela avec une simple prise de sang ? Presque trop beau pour être vrai. Pourtant, le système fonctionne. Sa mise au point a néanmoins été longue : la technologie qui en constitue le cœur a été brevetée en 2013, mais il a fallu de longues années pour aboutir à une procédure fiable, facile à mettre en œuvre, et surtout accessible financièrement.

La société américaine espère développer son test rapidement dans certains pays africains

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La technologie du séquençage génétique s’est démocratisée, c’était l’une des conditions. En 2007, l’analyse du génome d’un être humain coûtait 150 000 dollars. En 2020, le prix était tombé à 600 dollars et les chercheurs d’Illumina visent maintenant les 100 dollars. Par ailleurs, le développement de l’intelligence artificielle a permis un bond dans l’efficacité et la rapidité des analyses. Le dispositif apprend en permanence et peut aujourd’hui détecter un cancer présent dans l’organisme d’un patient, mais aussi déterminer de quel type de tumeur il s’agit et où elle est située.

Plus grande diversité

Le test développé par Grail est disponible depuis l’été 2021 aux États-Unis et depuis le mois d’octobre de la même année au Royaume-Uni. Francis deSouza espère le proposer rapidement dans certains pays africains mais prévient que le déploiement devra s’accompagner de recherches supplémentaires, afin d’améliorer l’efficacité du procédé. « Le système apprend, c’est ce qu’on appelle du machine learning, développe-t-il. Cela veut dire que plus on teste de gens au sein d’une population, plus on apprend et plus les résultats sont précis. Or pour l’instant nous avons surtout testé des patients américains, blancs, caucasiens. Nous savons que notre test donnera des résultats moins précis sur une population noire africaine, nous avons besoin d’analyser la plus grande diversité possible de personnes pour progresser. »

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Illumina discute actuellement de ces projets avec l’Africa CDC, l’organisme rattaché à l’Union africaine, collabore avec le spécialiste du génome Christian Happi, travaille avec la start-up nigériane 54gene, observe avec intérêt les progrès fulgurants réalisés ces derniers mois en Afrique du Sud… Et espère que le développement du séquençage génétique sur le continent provoqué par la crise du Covid va maintenant permettre de nouvelles avancées.

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