Une élection-test

Quatorze candidats sont en course pour la succession, le 16 avril prochain, du président Azali Assoumani, qui ne se représente pas.

Publié le 3 avril 2006 Lecture : 4 minutes.

Cette fois, ça passe ou ça casse. Le premier tour de l’élection présidentielle comorienne qui doit se tenir le 16 avril prochain fait figure de test. De son bon déroulement dépend l’avenir des nouvelles institutions adoptées par référendum le 23 décembre 2001. Selon la Loi fondamentale, la présidence de l’Union doit obéir à une rotation entre les trois îles. Le colonel Azali Assoumani, originaire de celle de Grande-Comore et élu en avril 2002 à la tête du pays, cédera donc son fauteuil à une personnalité d’Anjouan. Une primaire sera organisée dans l’île pour départager les postulants. Les trois premiers se présenteront ensuite devant l’ensemble du corps électoral de l’archipel, qui élira ainsi son nouveau chef de l’État. Une perspective qui suscite la défiance de certains, notamment en Grande-Comore, où l’on craint que le destin du pays ne soit remis entre les mains d’une personnalité issue d’une île longtemps suspectée de velléités séparatistes.
Pas moins de quatorze candidats sont en lice pour la primaire : des personnalités de second rang, une brochette de cadres de l’administration nationale, mais aussi des noms familiers du microcosme politique comorien. Reste à savoir lesquels d’entre eux sont susceptibles de se qualifier pour la finale. Parmi les poids lourds, on peut d’ores et déjà citer Ibrahim Halidi, ancien Premier ministre sous le régime de Mohamed Said Djohar, qui portera les couleurs de la Convention pour le renouveau des Comores (CRC, au pouvoir). L’homme a l’avantage d’être issu de Nyumakélé, la région la plus peuplée de l’île, qui se sent aujourd’hui en marge de la gestion du pouvoir local. En outre, il conserve une image d’antiséparatiste.
Le parti du chef de l’État sortant a dû finalement lui accorder son soutien dans la mesure où celui qu’on a présenté comme son candidat naturel, le vice-président sortant (démissionnaire depuis le 27 février dernier), Mohamed Caabi Elyachroutu, a choisi de faire cavalier seul. Originaire d’Anjouan, ce dernier n’a jamais caché ses divergences de vue avec le chef de l’État et aurait refusé d’endosser la casaque de la CRC, de peur de devoir assumer le bilan du gouvernement. Il est vrai qu’il s’est opposé à certains choix de l’équipe d’Azali, notamment celui de procéder à la hausse des prix des produits pétroliers en septembre 2005. Sa défection a été perçue comme un coup de poignard dans le dos par la mouvance présidentielle, qui ne désespère pas cependant d’être représentée au second tour.
Autre candidat auquel les pronostics accordent de bonnes chances de figurer dans le trio de tête des primaires, le leader religieux Ahmed Abdallah Sambi, surnommé l’« Ayatollah ». Cet homme d’affaires au verbe haut, formé en Iran et amateur de basket-ball, n’a pas attendu 2006 pour entrer en campagne. Depuis trois ans, il rêve de briguer la présidence de l’Union des Comores et ne s’est jamais privé de critiquer publiquement les régimes précédents. À la radio, les prêches de cet excellent tribun battent des records d’audience et tranchent avec les discours religieux traditionnels. On le décrit souvent comme un intégriste, mais lui s’en défend. « Tous ceux qui me connaissent vous le diront : je ne suis pas un fanatique. Et je n’admets pas la violence », a-t-il déclaré à l’hebdomadaire comorien Al-Watwan. En revanche, Sambi ne se prive pas de recourir à une certaine dose de démagogie. Il promet notamment à ses compatriotes de faire disparaître l’habitat précaire de l’archipel. Un discours qui trouve un large écho au sein des couches les plus défavorisées de la population. S’il a des chances d’être sélectionné le 16 avril à Anjouan, en revanche, sur les autres îles, on ne lui a jamais pardonné sa collaboration, quoique éphémère, avec le mouvement séparatiste.
Derrière ces trois grosses pointures, d’autres concurrents font également parler d’eux. C’est le cas de Nassuf Ahmed Abdallah, fils de l’ex-chef de l’État Ahmed Abdallah et conseiller du président Azali. Mais aussi d’Abdourahmane Mohamed Ben Ali (41 ans), secrétaire général de la Société comorienne d’eau et d’électricité (Ma-Mwé), et du linguiste Mohamed Ahmed Chamanga. Parfaitement inconnus sur la scène politique, ces deux derniers ont décidé de se jeter dans la mêlée et de donner du punch à cette présidentielle. L’un et l’autre entendent tenir un discours neuf à la population. Mais Ben Ali part avec un léger handicap : il n’est anjouanais que de père et parle assez médiocrement le dialecte de l’île. Chamanga, en revanche, peut se prévaloir d’un engagement très ferme contre le séparatisme au plus fort de la crise. Mais au-delà des sentiments unionistes des uns et des autres, un élément semble devoir faire la différence : le soutien de l’actuel président de l’île autonome d’Anjouan, Mohamed Bacar. Le candidat qui en bénéficiera disposera d’un avantage certain sur ses concurrents.
Sur le terrain, la campagne bat son plein, et les autorités préparent les échéances avec le concours de la communauté internationale. Alors qu’en novembre 2005 le président Azali avait fait part de son incapacité d’organiser, dans des conditions libres et démocratiques, une élection sur Anjouan, il semble aujourd’hui être parvenu à faire entendre son appel aux partenaires du pays. Depuis le 22 mars, 462 observateurs militaires (en majorité sud-africains) sont déployés dans l’archipel sous l’égide de l’Union africaine avec pour mission de sécuriser les élections. Ils assureront également la logistique du scrutin et resteront présents sur l’ensemble du territoire jusqu’à l’investiture du futur président de l’Union, le 29 juin au plus tard.

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