Quand le GSM met le turbo

Les opérateurs africains ont longtemps résisté. Mais la loi du marché est la plus forte. Les transmissions à haut débit font leurs premiers pas sur le continent.

Publié le 3 avril 2006 Lecture : 5 minutes.

Jusqu’à présent, les opérateurs africains n’avaient qu’une priorité : déployer leurs réseaux et conquérir de nouveaux clients. En somme, leur stratégie principale était de multiplier les communications téléphoniques. Techniquement, le réseau numérique GSM et sa vitesse de transmission de 9,6 kilobits par seconde (kbps), à peu près la vitesse d’un fax, faisaient donc parfaitement l’affaire. Lancée au début des années 1990, la norme GSM est également dénommée 2G, pour « deuxième génération de téléphones mobiles », par comparaison aux premiers réseaux (AMPS et autres Radiocom 2000), qui relayaient des signaux analogiques. Adopté partout dans le monde, le GSM a connu un succès fulgurant : en 2003, un peu plus de dix ans après son lancement, la GSM World Association recensait 1 milliard d’abonnés dans plus de 200 pays (1,6 milliard fin 2005).
Dans le même temps, les terminaux ont évolué, proposant un nombre croissant de fonctions qui n’ont rien à voir avec le transport de la voix : messages texte (SMS), agenda, répertoire, organiseur et, un peu plus tard, appareil photo, caméra vidéo, baladeur audio. Si le portable propose toutes ces fonctions, c’est en circuit fermé : la capacité de transmission du réseau 2G permet d’échanger des SMS et c’est tout. Une lacune d’autant plus terrible que, dans le même temps, l’utilisation d’Internet a singulièrement gagné du terrain pour envoyer ou recevoir des courriels, des photos, des vidéos ou de la musique Quelques industriels ont bien tenté de remédier au problème avec le WAP, une offre de services Web allégés pour mobiles. Cette solution s’est rapidement révélée insuffisante.
Pour ouvrir l’univers du téléphone portable, les réseaux doivent offrir plus de débit. Les opérateurs africains sont autant concernés que les autres, ne serait-ce que pour fidéliser leurs clients les plus technophiles et les plus aisés. Ce qui explique qu’au début de l’année les réseaux GSM sont devenus GPRS dans une dizaine de pays africains (voir tableau). Son nom de code 2,5G permet de souligner qu’il n’est qu’une extension de la 2G : une modification assez simple des équipements de réseau permet de multiplier la vitesse de transmission par cinq. Sur un réseau GPRS, et à condition d’être équipé d’un appareil compatible, il est possible d’accéder à Internet, donc au réseau de son entreprise (Intranet) si elle en est équipée, d’envoyer et de recevoir des messages multimédias (MMS), des photos en basse résolution et des courriels comportant des fichiers de taille limitée Plus intéressant : connecté à un ordinateur ou à un assistant personnel, le portable GPRS fait office de modem. Il offre dans ce cas des performances proches de celle d’un ordinateur connecté en 56 kbps à Internet. Un abonnement spécifique est nécessaire. Souvent, la tarification se fait au volume de données transmises et non à la durée, qui reste de rigueur pour les communications orales.
Peut-on en rester là ? Non, bien sûr. D’ailleurs des réseaux offrant des vitesses supérieures sont déjà opérationnels en Afrique du Sud et en Égypte, et devraient l’être dans le courant de l’année en Algérie, au Maroc et en Tunisie. D’autant moins qu’Internet peut être disponible, certes dans certaines conditions liées à la disponibilité d’une ligne fixe, avec un débit pouvant aller jusqu’à 20 mégabits par seconde, ce qui correspond à 400 fois plus d’informations transmises par rapport à un modem à 56 kbps. Une autre amélioration des réseaux existants permet à relativement peu de frais de faire encore grimper les débits. Il s’agit d’Edge, ou 2,75G. En théorie, le débit est de 384 kpbs (pour un piéton) et de 144 kbps (dans un véhicule en mouvement). Comme toujours, il faut prendre la théorie avec prudence et des taux de 130 kbps et 60 kbps semblent plus réalistes. Quoi qu’il en soit, Edge représente le maximum de ce que l’on peut tirer des infrastructures actuellement en service. Au-delà, c’est une autre histoire
Pour offrir plus de débit, il faut déployer une nouvelle technologie donc, de nouveaux équipements. Ce qui coûte cher. Bien plus cher que les étapes de 2G à 2,75G. À partir de 2002, les opérateurs se sont pourtant lancés dans l’aventure des réseaux de troisième génération avec l’UMTS, logiquement appelé 3G pour marquer la rupture avec l’époque précédente. Deux standards dominent actuellement : le W-CDMA (Europe, Asie, Afrique) et le CDMA (Amérique du Nord, certains pays d’Asie). On pourrait en rajouter un troisième, à l’étude en Chine, le TD-SCDMA. Mais, finalement, peu importe. Tout cela devrait être transparent pour l’utilisateur grâce à des terminaux multibandes. Avec de tels équipements, on passe aux choses sérieuses. Le débit est de 2 Mbps en utilisation fixe, 384 kbps pour un piéton en mouvement et 128 kbps si on se trouve dans une voiture ou un train. Bien sûr, c’est à l’usage qu’on pourra mesurer l’écart entre la théorie et la pratique. La montée en puissance des réseaux 3G est en tout cas réelle et tous les services des générations précédentes en tirent parti. Elle offre au portable les applications jusque-là encore réservées à l’ordinateur : téléchargement de gros fichiers, diffusion en flux constant (streaming) de chaînes de télévision, de programmes radio et, surtout, la visiophonie, tant attendue par les utilisateurs. Avec la 3G, le portable commence aussi à devenir un sérieux concurrent de l’accès à Internet haut débit de type ADSL. Ce qui n’est pas un mal, vu le peu d’empressement de certains opérateurs à mettre en place des offres ADSL
Comme tout haut de gamme qui se respecte, la 3G n’est pas disponible partout. Le montant des investissements pousse les opérateurs à une stratégie de déploiement incrémentale, d’abord dans les aéroports, les centres d’affaires, les grands hôtels, les zones à forte concentration urbaine. D’après l’association UMTS Forum, la 3G comptait 72 millions d’utilisateurs à la fin 2005, soit 4,5 % du total des abonnés au téléphone portable. Dans les pays riches, les recettes réalisées grâce à cette clientèle d’« early adopters » serviront au déploiement progressif des réseaux 3G au-delà de ces zones. La compatibilité entre les réseaux est techniquement assurée. S’ils quittent la couverture UMTS, les portables 3G passent automatiquement sur le réseau disponible, qu’il soit Edge ou GPRS. Pour l’abonné, la continuité dépend du service. Dans le cas d’une conversation vocale ou d’une connexion à Internet, l’appel est transféré sans coupure. Dans le cas d’une séance de visiophonie, en revanche, la communication est interrompue, et il ne reste plus qu’à rappeler « à l’ancienne »

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