À Dubaï, la Francophonie économique passe aux actes
Lancée en 2020, la Francophonie économique fait l’objet de la plus grande attention de la part de l’OIF et de sa secrétaire générale, Louise Mushikiwabo. Avec un certain succès à en croire ses premiers résultats concrets.
Longtemps restée à l’état de concept, la Francophonie économique devient une réalité au fil de ces derniers mois. Dès son élection en octobre 2018, Louise Mushikiwabo en avait fait l’une de ses priorités avec le numérique. Trois ans plus tard, force est de constater que la secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a tenu sa promesse.
L’événement organisé le 22 février à Dubaï par la Direction de la Francophonie économique et numérique (DFEN) constitue une nouvelle étape dans le virage que prend officiellement l’organisation depuis la définition de sa Stratégie économique pour la Francophonie (SEF) en novembre 2020 et pour les cinq années suivantes. L’impossibilité sanitaire d’organiser le XVIIIème sommet de l’OIF fin 2021 à Djerba, et le Forum économique francophone (FEF) qui y est adossé depuis le sommet de Dakar de 2014, n’a pas empêché la cause économique de poursuivre son avancée, par l’intermédiaire des Rencontres des entrepreneurs francophones (REF), organisées en août dernier à Paris suite à une initiative conjointe des organisations patronales du Medef français et de l’Utica tunisienne.
Un espace économique en pleine mutation
Convaincues que l’usage commun du français constitue un atout évident pour faire des affaires – un unfair advantage [avantage déloyal] comme l’appellent les économistes – vingt-cinq organisations patronales francophones se sont depuis constituées en association internationale et une délégation permanente a même été mise en place à Paris. L’accord constitutif de cette association n’a pu être signé comme prévu en février pour cause de vague Omicron. Mais l’initiative, qui émane à la fois du secteur privé et de la société civile francophone, « n’en valide pas moins notre stratégie », estime Henri Monceau, responsable de la DFEN.
Apprendre à parler aux investisseurs, savoir les séduire pour mieux lever des fonds
Ce dernier, avec ses équipes, a donc été le maître d’œuvre du rendez-vous dubaïote, qui a profité des derniers rayons de l’Exposition universelle, censée fermer ses portes le 31 mars, pour prendre un peu de lumière sur la scène internationale, « comme le souhaite la secrétaire générale », explique-t-on au sein de l’organisation.
En plus de la conférence organisée autour des « enjeux et opportunités pour les investisseurs internationaux au sein d’un espace économique francophone en pleine mutation » et qui réunissait, en plus de ceux de l’OIF, les représentants de l’Organisation des Nations unies pour le développement (Onudi), de la Conférence permanente des chambres consulaires africaines et francophones (CPCCAF) et du Réseau international des agences francophones de promotion des investissements (RIAFPI), l’événement avait surtout pour but de favoriser les rencontres d’affaires entre entrepreneurs francophones et investisseurs du monde entier.
Entreprises pionnières
Dans le cadre du programme estampillé OIF, « Pionnières de l’entreprenariat francophone », 32 entreprises, start-ups ou PME, essentiellement d’Afrique, mais aussi du Moyen-Orient (Liban) et d’Asie (Vietnam), ont suivi d’août à février plusieurs sessions de formation destinées à accélérer et consolider leur développement, dont la dernière s’est justement tenue à Dubaï, la veille de la conférence. L’occasion pour l’OIF de réunir sur un même lieu, les entrepreneurs, les investisseurs, les représentants des écosystème numériques partenaires – incubateurs, accélérateurs… – ainsi que ceux de certaines agences de promotion des investissements de pays francophones (Côte d’Ivoire, RDC…).
Les entreprises « pionnières » sont sélectionnées sur leur impact social, éducatif, numérique ou environnemental. C’est le cas par exemple de l’entreprise Faso Attiéké, lancée au Burkina Faso en 2010 et qui produit 550 tonnes de marchandises par an destinées au marché local. En plus d’avoir créé près d’une centaine d’emplois dans le pays, elle permet à plus de 500 productrices burkinabè d’écouler leur marchandise et donc de participer à leur émancipation. Avec un chiffre d’affaires de 400 000 euros en 2021, Faso Attiéké a déjà confirmé son utilité. Il lui reste encore à pérenniser son existence, notamment dans la sécurisation des matières premières.
Idem, pour la société congolaise Schoolap, installée en RD Congo et qui, via ses propres tablettes, veut généraliser l’accès à un contenu éducatif de qualité, à travers l’ensemble du pays. « Nous proposons aux enseignants un outil pédagogique à bas coût et qui peut fonctionner hors réseau », explique Pascal Kanik, promoteur du projet. Avec un succès certain vu la demande dont fait l’objet cette tablette fabriquée aujourd’hui en Chine et accessible moyennant 150 dollars (soit 134 euros). Après avoir réussi à mettre en place un crédit bancaire adapté avec RawBank, principale enseigne bancaire du pays, plus de 10 000 tablettes doivent être livrées d’ici à la fin de cette année, soit bien plus que les 500 tablettes écoulées mensuellement au début de sa commercialisation en 2021.
Rôle de facilitateur
Comme ses collègues entrepreneurs, Pascal Kanik a fait le déplacement à Dubaï « pour trouver les fonds qui lui permettront d’accélérer la production ». Pour trouver les quelques centaines de milliers de dollars, voire le million, qui leur permettront de passer à une autre étape, ces entrepreneurs ont pu s’appuyer sur l’environnement apporté par l’OIF « pour apprendre à parler aux investisseurs, savoir les séduire pour mieux lever des fonds », résume encore Pascal Kanik. Et c’est exactement ce qu’ils ont fait dans le cadre du programme « pionnières », grâce à la présence de plateforme comme Axum, lancée l’année dernière, pour justement « mettre en relation les investisseurs et les entrepreneurs », comme le confirme Soumeya Rachedi sa directrice.
L’objectif : faire de cette Francophonie économique une évidence
Sans oublier la mise à disposition d’une librairie de ressources destinée à apporter les informations nécessaires pour réussir une levée de fonds ou renforcer son leadership. Axum a été créée par le fonds Greentec Capital Partners, lancé en 2015 pour investir dans les PME à fort impact à travers le continent, tout comme l’African Business Angel Network (ABAN), présent à travers une quarantaine de pays africains et qui intervient comme « primo-investisseurs dès la naissance d’une entreprise, comme l’explique Fabilah Tchoumba, sa secrétaire générale, en apportant à la fois du capital, du conseil et son réseau ».
En réussissant à réunir tout le monde autour d’une même table à Dubaï, l’OIF a souligné « son rôle de facilitateur et de connecteur », conclut Henri Monceau. L’organisation a surtout confirmé la marche en avant de la Francophonie économique : « En 2020, nous avons défini notre stratégie que nous avons mis en place l’année suivante avant de commencer à en récolter les fruits ces derniers mois », reprend le directeur en charge de l’économique et du numérique à l’OIF, satisfait de voir que Dubaï « a validé les concepts que nous avions lancé à l’origine du projet ».
Prochaine étape à la fin du mois de mars, avec le lancement de la première mission économique jamais organisée par l’OIF. Plus de 400 entreprises, dont un certain nombre présentes à Dubaï, auront l’occasion de se rencontrer au Vietnam et au Cambodge pour resserrer leurs liens d’affaires. Une seconde mission est déjà prévue pour se rendre cette fois en juillet au Gabon et au Rwanda. L’objectif, à chaque fois, « sera bien sûr d’aboutir à la signature d’accords », insiste Henri Monceau. Et faire ainsi de cette Francophonie économique une évidence.
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