Le Sommet du ridicule

Publié le 3 avril 2006 Lecture : 2 minutes.

Seuls une douzaine de chefs d’État – sur les vingt-deux que compte la Ligue arabe – ont daigné honorer l’invitation de leur homologue soudanais Omar el-Béchir à participer au Sommet de Khartoum, les 28 et 29 mars. Comme d’habitude, ils n’ont pris aucune décision digne de ce nom. Sur tous les dossiers à l’ordre du jour (Irak, Palestine, Darfour, Syrie-Liban, réformes politiques), ils n’ont cherché qu’à noyer le poisson, se contentant de vagues déclarations masquant mal leur embarras, leur indécision et leur incapacité à peser sur le cours des événements.
Lors du précédent sommet de Khartoum, en 1967, au lendemain de la guerre des Six-Jours, leurs prédécesseurs n’avaient pas davantage abouti à des décisions historiques, mais ils avaient au moins réussi à parler d’une seule voix. On se souvient de leur triple refus : « Non à la reconnaissance d’Israël, non à la négociation, non à la paix… »
Depuis, la carte du monde a beaucoup changé. Et pas toujours dans le sens souhaité par les Arabes. Israël a annexé davantage de territoires palestiniens. La Syrie, qui n’a pu récupérer le Golan, s’est enlisée au Liban. Le Soudan a fait de même au Darfour, et l’Irak s’enfonce inexorablement dans la guerre civile.
Quant aux chefs d’État, ils ont le plus grand mal à mettre en route les réformes politiques revendiquées par leurs peuples et exigées par les États-Unis. Convaincus que la moindre velléité d’ouverture ne pourra qu’accélérer leur chute, ils n’ont qu’un objectif : gagner du temps. Et qu’une seule stratégie : tergiverser, louvoyer… Ils n’essaient même plus de sauver la face. Le roi est nu. L’émir et le président aussi. Leurs peuples n’attendent désormais plus rien de leurs conclaves, sinon les récits, de moins en moins drôles, de leurs pitoyables empoignades.
Même sur ce chapitre, le dernier sommet de Khartoum a été indigent. Comme d’habitude, le doyen Mouammar Kadhafi, privé de tribune, s’est réfugié sous sa tente, et c’est le Syrien Bachar al-Assad, complètement isolé sur la scène internationale, qui apparaît comme le grand gagnant de cette réunion de perdants. Il a profité de l’occasion pour parader et faire parler de lui dans les médias arabes en invitant le président palestinien Mahmoud Abbas à s’inspirer du Hamas et en snobant le Premier ministre libanais Fouad Sanioura, venu lui serrer la main et solliciter une entrevue. Snobant à son tour « son » président, Émile Lahoud, ce dernier a préféré prendre place au côté de Recep Tayyip Erdogan. Invité d’honneur du sommet, le Premier ministre turc a cru devoir vanter à ses hôtes les vertus de la liberté, de la démocratie et de la lutte contre la corruption.
Quant à l’Arabie saoudite, elle a attendu la séance de clôture pour annoncer sa décision de céder à l’Égypte l’organisation de la prochaine conférence annuelle ordinaire des chefs d’État. Après les semi-échecs de Tunis et Alger, la Ligue des États arabes pouvait difficilement tomber plus bas. Et il y a peu de chance qu’elle se relève de sitôt.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires