Défense et illustration du prophète de l’islam

À l’occasion de la fête du Mouled, qui commémore la naissance de Mohammed, l’ancien secrétaire général de la Ligue des États arabes rappelle les enseignements fondamentaux du message coranique.

Publié le 3 avril 2006 Lecture : 5 minutes.

La fausse idée qu’on a du prophète de l’islam en Occident – et singulièrement parmi une certaine intelligentsia qui se veut voltairienne – n’a pas d’explication objective. Les auteurs de pamphlets « islamophobes » montrent bien qu’ils ignorent presque tout du message, spirituel et moral, de cet homme hors pair que les musulmans considèrent comme le dernier des messagers de Dieu.
Peut-être ces esprits forts avaient-ils quelque excuse de n’avoir pu percer le véritable message islamique à travers les traductions, indigestes et parfois incompréhensibles, du Coran. Les études orientalistes ne sont pas toujours d’une clarté telle qu’elles invitent à la lecture.
Aussi n’est-il pas sans intérêt de souligner, à leur intention, les enseignements fondamentaux de ce message, qui remonte – ne l’oublions pas – au VIIe siècle.

Le plus fort de ces enseignements est de faire de la raison l’auxiliaire principal de la foi et de celle-ci un acte libre, hors de toute contrainte. Récapitulant l’ensemble de ses préceptes, le Coran les condense en un couple d’injonctions indissociables : croire en Dieu et faire le bien. Se réclamant de l’héritage d’Abraham, il enjoint d’honorer tous les prophètes de la lignée du grand patriarche et fait de cette allégeance une des composantes du credo islamique.
Pour l’éthique sociale, ce message considère que les hommes sont égaux entre eux et que la supériorité ne tient qu’aux mérites personnels. Il proclame que la femme est l’alter ego de son mari, qui lui doit affection et protection – alors que l’on se demandera, longtemps, ailleurs, si la femme a une âme. Il lui ouvre un droit à l’héritage, alors que, auparavant, dans diverses nations, une sorte de loi salique les en exclut. Il met très haut le pardon à l’autre, le respect du voisin – quel qu’il soit -, la solidarité entre riches et pauvres, l’affranchissement d’un esclave. Il donne de magnifiques leçons de tolérance, à une époque où le rigorisme est chose courante et la crispation de chaque religion sur ses domaines la règle générale.
Je n’en citerai que trois exemples.
Un jour, son compagnon le plus proche, Abou Bakr, entre chez le Prophète et trouve sa fille, Aïcha, avec quelques amies, en train de chanter. Il n’aime pas cela et morigène sa fille en disant : « Se conduit-on de la sorte dans la maison du Prophète ! » Celui-ci, l’ayant entendu, vient vers lui et lui dit : « Laisse-les, Abou Bakr, elles sont jeunes. Et puis, c’est un jour de fête. »
Une fois, un de ses compagnons les plus prestigieux, Omar, vient trouver le Prophète chez sa femme, la copte Marie, qu’il trouve en train de faire ses dévotions de chrétienne. Il s’en offusque et s’en ouvre au Prophète, qui lui répond : « Elle est chrétienne et c’est son droit d’honorer sa religion comme il se doit. »
Un autre jour, une jeune femme vient le trouver, parmi ses compagnons, et lui chuchote, à l’oreille, qu’elle a fauté. Il fait mine de ne rien entendre. Elle insiste, sans résultat. Quelque temps après, elle revient, pour lui dire qu’elle est enceinte, suite au péché qu’elle a commis. Il fait toujours la sourde oreille. Elle revient plus tard et lui apprend qu’elle a donné naissance à un enfant. C’est alors seulement qu’il lui parle, pour lui dire : « Va, allaite-le et prends bien soin de lui. »
Un des enseignements les plus importants de ce message est de considérer l’homme, corps et âme, comme une totalité, qui perd son équilibre si l’on attente à son intégrité.
On oublie souvent que Mohammed est l’inventeur de l’esprit cuménique, lorsqu’il conclut, avec des gens du Livre, un pacte d’alliance et de concorde – lequel, s’il avait survécu aux zizanies, eût, peut-être, changé le cours de l’Histoire.
On oublie aussi que, sur la base de ce message originel, une des plus grandes civilisations s’est édifiée – et dont l’Europe a grandement profité pour sa renaissance. Comme bien d’autres, après avoir brillé plusieurs siècles, la civilisation islamique n’a pas échappé à la sclérose et au vieillissement fatal. Et c’est sur les restes flétris de cette extraordinaire floraison que les islamophobes d’aujourd’hui jugent l’islam et sa morale « décalée ». Goethe, Hugo et bien d’autres Européens illustres en avaient jugé autrement.
Mais on sait que deux points, parmi les plus importants, ternissent l’image de l’islam, aux yeux de nos contemporains occidentaux : la « charia » et le « djihad ».

la suite après cette publicité

Pour la charia, le mot a longtemps conservé, dans la littérature religieuse, son sens étymologique de « chemin de Dieu », avant qu’on ait commencé à désigner, sous cette appellation, un corpus rigide de règles, d’injonctions et d’interdits, considérés comme immuables, sans appel. Contrairement à l’esprit et à la lettre de l’islam, qui insiste sur les nécessaires adaptations au déroulement du temps, aux changements incessants des conditions de vie et des dispositions des esprits. Vouloir le figer dans un formulaire revient à faire échouer le projet central de l’islam, qui se veut une religion capable de s’adapter à toutes les époques et à toutes les latitudes.
Quant au djihad, faut-il rappeler que l’idée de « guerre sainte » – donc de guerre à légitimité transcendant la volonté humaine – ne date pas de l’islam.
L’islam n’a envisagé de guerre sainte qu’en cas de légitime défense. Des versets le disent, sans ambiguïté. La société musulmane de Médine, du temps du Prophète, n’en livra aucune qui ne répondit à cette condition. De plus, l’islam a assigné à ces actions de défense des règles strictes : un véritable code humanitaire qui a devancé, de quatorze siècles, nos fameuses conventions de Genève.
Il faut enfin rappeler que la racine du mot « djihad » réfère, avec ses nombreux dérivés, à d’autres actions, d’une haute portée morale : la réflexion, la lutte de l’homme contre ses désirs et ses mauvaises passions, l’effort dans le travail – et, particulièrement, pour conduire de grandes entreprises. Du reste, à l’époque du Prophète, d’autres mots étaient employés pour désigner les actions de combat contre l’ennemi.
De retour de l’une de celles-ci, le Prophète dit à ses compagnons : « Nous voici de retour du petit djihad. Il nous faut, à présent, nous consacrer au grand djihad. » Il désignait ainsi les grandes actions de construction et d’organisation qui requièrent de plus grands efforts que les batailles.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires