Babacar Gaye

Commandant des forces de la Mission onusienne en RD Congo (Monuc)

Publié le 3 avril 2006 Lecture : 3 minutes.

A 55 ans, le général Babacar Gaye a conservé un physique de jeune homme. Grand, svelte, athlétique, ce militaire sénégalais formé à Saint-Cyr, la prestigieuse école militaire française, commande depuis un an les forces de la Monuc, la mission onusienne en RD Congo que dirige politiquement William Swing, le représentant spécial de Kofi Annan. À la tête de ses Casques bleus, il a pour mandat de soutenir le processus de transition en sécurisant le territoire et en protégeant les opérations humanitaires. Pour cela, il n’a pas hésité à troquer son costume d’ambassadeur en Allemagne pour enfiler à nouveau son treillis. À trois mois des élections présidentielle et législatives (reportées au début du mois de juillet), le général Gaye se veut raisonnablement optimiste.

Jeune Afrique : La sécurité n’est pas encore rétablie sur l’ensemble du territoire congolais
Babacar Gaye : Elle s’est considérablement améliorée. Nous sommes parvenus à enregistrer quelque 25 millions d’électeurs dans tout le pays, puis à organiser un référendum en décembre 2005. Reste quelques foyers de tensions, beaucoup d’armes en circulation et une armée régulière en cours de reconstruction
Des groupes armés étrangers restent très actifs en Ituri et dans le nord-est du pays…
Les forces armées congolaises (FARDC) ont récemment reconquis les positions occupées par les rebelles ougandais des ADF/Nalu dans le nord de l’Ituri et au Kivu, éliminant une centaine de miliciens et récupérant d’importants stocks d’armes. Le groupe essaie actuellement de se réorganiser. Mais ce sont les Forces démocratiques de libération du Rwanda (ex-FAR et Interahamwes) qui restent au Kivu le groupe étranger le plus important. Si elles souhaitent manifestement éviter une confrontation avec la Monuc, elles ne sont pas encore décidées à quitter le pays. Dans les deux cas, il faudra trouver une solution politique. En Ituri, les FARDC ont connu des difficultés pour contrer les attaques de miliciens congolais qui continuent de recevoir armes et munitions de certains pays voisins. Il est illusoire de prétendre contrôler toutes les frontières. C’est pourquoi nous misons sur les programmes de réinsertion qui permettent aux miliciens repentis de toucher 25 dollars par mois et de reprendre progressivement une activité professionnelle. Enfin, nous déployons d’importants moyens humanitaires au Katanga pour les 140 000 déplacés de guerre.
Les membres des FARDC reçoivent une formation très courte et disposent de moyens limités…
Actuellement, le pays dispose de douze brigades intégrées et n’en aura, dans le meilleur des cas, que quatorze au mois de juin. C’est un travail de longue haleine, mais il est vrai que le processus d’intégration a pris du retard. Il n’est pas facile de fondre dans un même ensemble des troupes régulières, des officiers rebelles et des miliciens sans formation.
Les FARDC multiplient les exactions contre les populations civiles
Ces troupes manquent cruellement de moyens militaires, mais aussi de soutien. Faute de rations alimentaires ou de soldes suffisantes, les soldats vivent sur le dos des populations. Nous avons constaté que lorsque la Monuc ne les appuie pas sur le plan logistique, certains soldats se livrent à des actes inadmissibles. Les sauveurs se font alors prédateurs. Nous signalons ces exactions au commandement des FARDC pour qu’il les sanctionne et trouve des solutions.
La Monuc a-t-elle un plan d’intervention dans l’hypothèse où tel ou tel ex-belligérant reprendrait les armes ?
Les meilleures solutions sont politiques, ce qui explique les nombreuses visites de responsables étrangers pour aider à l’organisation d’un scrutin libre et transparent. Reste que le travail des militaires est de parer à toute éventualité. Nous continuons donc à élaborer des plans de manuvre et d’intervention.
Combien de temps la Monuc restera-t-elle après les élections ?
Cela dépend avant tout du gouvernement congolais. Notre mission ne doit pas s’arrêter au lendemain des élections. Il faudra poursuivre la reconstitution d’une armée nationale. Mais notre présence à un coût [1 milliard de dollars par an] que la communauté internationale ne pourra supporter éternellement.

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