L’impossible tandem

Sans coup férir, Dmitri Medvedev devait être élu à la présidence, le 2 mars. Vladimir Poutine, son prédécesseur, ayant par avance accepté le poste de Premier ministre,une guerre pour le leadership se profile à l’horizon.

Publié le 3 mars 2008 Lecture : 3 minutes.

Avec un nouveau président, Dmitri Medvedev, désigné plus qu’élu (la présidentielle du 2 mars ne devait être qu’une formalité, sinon une parodie), et un ancien président, Vladimir Poutine, reconverti en Premier ministre, la Russie fait face à une situation inédite. Cet étrange tandem ne risque-t-il pas de se révéler instable ? L’aigle bicéphale du Kremlin peut-il échapper au torticolis ? Chacun y va de son pronostic.
L’hypothèse selon laquelle Poutine continuera d’assumer l’essentiel du pouvoir demeure très populaire. D’après un récent sondage (11 février), 63 % des personnes interrogées pensent que Medvedev devra gouverner sous le contrôle du président sortant. Certains politologues sont pour leur part convaincus que Poutine a patiemment mis en place, huit ans durant, un système centré autour de sa personne que Medvedev n’aura pas la capacité de réformer, se contentant de conserver le fauteuil présidentiel au chaud jusqu’aux prochaines échéances électorales.
Autre théorie : les deux hommes seraient les membres interchangeables d’une direction collective, variante moderne du politburo brejnévien. Objection : si 41 % des Russes pensent que « l’équipe présidentielle est unie », la plupart des kremlinologues s’accordent à dire qu’il n’en est rien. On discute beaucoup dans les médias du conflit grandissant entre les silovikis, issus, comme Poutine, des services de sécurité et partisans d’un régime autoritaire, et les libéraux, dont Medvedev est un représentant.
Le nombre des spécialistes qui parient sur une rupture à plus ou moins longue échéance s’est sensiblement accru depuis la conférence de presse de Poutine, le 14 février, et le discours de Medvedev, le lendemain à Krasnoïarsk. Les contradictions flagrantes entre leurs propos pourraient annoncer un divorce futur, malgré leurs serments mutuels de confiance et de fidélité.
Bien que fatigué, de son propre aveu, de « s’échiner comme un esclave aux galères », Poutine a manifesté son intention de rester à la tête du gouvernement pendant les quatre années à venir. Tout en se disant attaché au régime présidentiel, il revendique la maîtrise du budget, de la politique financière, des questions sociales, de la défense et de la politique économique internationale. Ce qui ne laisse pas grand-chose à son successeur, dont il n’a même pas l’intention d’accrocher le portrait dans son bureau !
De son côté, Medvedev estime qu’il ne peut y avoir qu’un seul centre de décision : le chef de l’État. Il a parlé haut et fort de liberté et de droit, s’est prononcé pour l’indépendance des médias et de la justice, a prôné des relations plus harmonieuses avec les autres pays, aux antipodes de l’hystérie patriotique en vogue dans les discours officiels

Marionnette
Il n’a pas l’agressivité, ni d’ailleurs le charisme, de son prédécesseur, mais il prend, depuis quelques mois, de l’assurance. Comme pour faire mentir ceux qui le présentent comme une marionnette, il pourrait se révéler assez vite un président fort. Mais saura-t-il tenir ses promesses et faire évoluer le régime vers davantage de démocratie et de tolérance, en évitant des crises internes forcément désastreuses ? Quel est le rapport réel des forces entre les clans au pouvoir ? Quelles pressions vont s’exercer sur Medvedev ? Et sur Poutine ?
Alexandre Volochine est un homme bien renseigné. Ancien chef de l’administration présidentielle d’Eltsine puis de Poutine, il fut le patron de Medvedev à ses débuts au Kremlin. Lors d’une récente rencontre organisée par l’Institut français des relations internationales (Ifri), il a estimé que la nouvelle configuration du pouvoir risquait de provoquer des luttes intestines. Mais il reste optimiste. À l’en croire, il ne devrait pas y avoir d’usurpation de l’autorité présidentielle. Et Poutine pourrait se révéler le plus efficace des Premiers ministres que la Russie ait connus.
Pourquoi pas ? Mais la vérité est que personne n’a la moindre idée de ce qui va se passer. Pas même, sans doute, les principaux intéressés.

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