« L’immigration choisie », chère à Sarkozy, ne passe pas

Les Français d’origine africaine désapprouvent largement cette politique du président. Et, en matière de diplomatie, ils ne voient pas les effets de la rupture tant annoncée.

Publié le 3 mars 2008 Lecture : 2 minutes.

Visiblement, la rupture tant annoncée n’a pas eu lieu. Ou bien les 54 % de Français d’origine africaine qui jugent « ensemble » que la politique étrangère française à l’égard des pays africains et arabes n’a pas changé depuis l’élection de Nicolas Sarkozy souffrent-ils d’une myopie politique particulièrement forte. Ou encore la loi d’annulation des contraires a-t-elle joué pour aboutir à un tel résultat. Les propos vigoureux du ministre, puis candidat, puis président français sur la nécessité de construire « une relation nouvelle, assainie, décomplexée, équilibrée, débarrassée des scories du passé et des obsolescences qui perdurent de part et d’autre de la Méditerranée » se seraient ainsi vus obérés par d’autres discours, nettement moins bien reçus chez les Français d’origine africaine, telle la trop fameuse allocution paternaliste de juillet 2007 sur « l’homme africain » à l’université de Dakar. Sans oublier le fait que la volonté affichée d’une relation « plus transparente » entre la France et l’Afrique, qu’il nous faut « débarrasser des réseaux d’un autre temps et des émissaires officieux » – en clair : porter le coup de grâce à la Françafrique ! -, s’est sans doute vue pour le moins tempérée par l’observation du pragmatisme élyséen à l’uvre, que ce soit au cours de la visite d’État inaugurale chez le président gabonais, au Congo, au Tchad ou sous la tente dressée pour Kadhafi dans le parc de l’Hôtel Marigny, à Paris.
On sait aujourd’hui que la rupture sarkozienne est plus le fait d’un changement de style que de mesures concrètes. Or, curieusement, si l’on oublie ses sorties à l’encontre de lointaines « racailles » bronzées et les quelques pâtés faits au Sénégal par son porte-plume Henri Guaino, l’hyper-président aura jusqu’ici réservé ses coups de sang aux pêcheurs bretons et autres blondinets du Salon de l’agriculture. Les Africains en prennent acte, qui ne manifestent dans leurs réponses pas davantage de colère que de connivence vis-à-vis du titulaire du domaine réservé de la politique étrangère. Pour les Africains du Nord (56 %) encore plus que les Subsahariens (48 %), c’est donc bien la continuité qui domine.
Quant à l’opinion des sondés concernant la politique « d’immigration choisie » du gouvernement, elle ne surprendra que ceux qui croient encore aux arguments échangés durant la campagne des élections municipales à Neuilly ! Si 69 % d’entre eux désapprouvent cette politique (parmi lesquels 49 % « désapprouvent tout à fait », ce qui est un chiffre lourd pour un verdict aussi catégorique), c’est tout simplement qu’ils n’ont pas changé d’avis par rapport à une politique dont la seule évolution perceptible dans la population immigrée a été le durcissement. On pourrait s’interroger sur le fait que les Français d’origine maghrébine soient substantiellement plus nombreux que les Subsahariens à s’accommoder de cette politique d’immigration choisie, voire à l’approuver (30 % contre 23 %), mais toutefois sans que cette adhésion devienne pour autant majoritaire. Il s’avère sans doute qu’au terme de traversées, de trajectoires et de fortunes diverses, il est une proportion significative d’immigrés qui ne rechignent pas à « tirer la porte » derrière eux et à appuyer ceux qui ont pour doctrine de « choisir », avec le plus grand soin, les nouveaux entrants

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