Les trois surs
J.A. aurait-il sombré dans le communautarisme ? En publiant avec l’Ifop, comme il y a un an à la veille de l’élection présidentielle, un sondage exclusif auprès des citoyens français d’origine africaine, nous n’échapperons sans doute pas à certaines critiques hâtives sur les thèmes du manque d’esprit républicain et de l’excès de particularisme. À tort, bien sûr. D’abord parce que l’histoire de ce journal, à la rédaction multiculturelle, repose sur la volonté d’expliquer l’Afrique au monde et le monde à l’Afrique, ce qui nous a vaccinés une fois pour toutes contre les tentations du repli identitaire et autres manifestations perverses d’un complexe d’infériorité qui nous est totalement étranger. Ensuite et surtout parce que la démarche qui consiste à recueillir l’opinion d’une population – les Français d’origine africaine – à la fois visible et invisible, spécifique de par ses racines, ses réflexes et ses exigences, composée d’électeurs au même titre que les autres mais volontiers amalgamée dans l’esprit des « Français de souche » aux lieux communs usuels sur les immigrés, nous paraît saine et salutaire. Personne jusqu’ici n’avait eu l’idée d’écouter ce que ces Français originaires du Maghreb et d’Afrique subsaharienne avaient à dire sur des sujets qui les concernent directement. Il revenait à J.A. de le faire.
Et ce n’est pas Nicolas Sarkozy qui nous contredira. En nommant au gouvernement Rachida Dati, Fadela Amara et Rama Yade, le président français n’a pas fait que choisir ces trois femmes pour leurs aptitudes. Il les a érigées en emblèmes de l’ouverture à la diversité et a accompli un geste fort de fraternité républicaine envers les « minorités visibles », tout particulièrement d’origine africaine, dont le profond malaise était brusquement apparu à la une des médias avec les émeutes de banlieues et les incendies d’immeubles de rente. Oui, une voie d’intégration était possible, symbolisée par la réussite de ces trois personnalités, pour peu que l’on combatte l’exclusion. Huit mois plus tard, où en est-on ? Comment les Français d’origine africaine jugent-ils l’action de leurs « surs » Rachida, Fadela et Rama ? Quel impact a eu leur nomination sur le niveau des discriminations ? Quid de la politique d’immigration choisie ? À ces questions et à d’autres encore, ce sondage Ifop/J.A. apporte les réponses de notre panel représentatif. Elles étonneront, décevront certains (ou certaines), seront parfois jugées sans surprises, mais serviront assurément de repères à tous ceux qui réfléchissent sur cet aspect particulièrement sensible de la société française. n
(Lire pp. 26 à 34 les résultats commentés de notre sondage).
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