Le nerf de la paix

L’aide financière promise par les différents bailleurs de fonds suffira-t-elle à garantir le bon déroulement du processus de sortie de crise ?

Publié le 3 mars 2008 Lecture : 3 minutes.

Il y a loin de la coupe aux lèvres. Le président Laurent Gbagbo et son Premier ministre Guillaume Soro le savent mieux que quiconque. Si les deux têtes de l’exécutif continuent d’affirmer que des élections présidentielle et législatives libres et transparentes se tiendront au plus tard le 30 juin prochain, ils sont loin d’avoir réussi, un an après la signature de l’accord de Ouagadougou, à rassembler les fonds nécessaires au bon déroulement du processus de sortie de crise.
Sur le papier, le financement est pourtant acquis. Le 25 février, lors d’une séance de travail avec les chefs d’État de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) à Ouagadougou, Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds monétaire international (FMI), a laissé entendre au président ivoirien que toute une série de programmes viendrait s’ajouter aux 120 millions de dollars d’aide déjà promis (lire aussi p. 47). Trois jours plus tard, Donald Kaberuka, président de la Banque africaine de développement (BAD), a annoncé à Guillaume Soro que 31,5 millions de dollars seront débloqués pour le redéploiement des services publics. Au total, la communauté internationale s’engage à mettre à la disposition du gouvernement plus de 226,5 millions de dollars (100 milliards de F CFA) pour soutenir les efforts engagés.
Mais les bailleurs se veulent prudents. Et ont fait savoir qu’ils souhaitaient garder un il sur leurs attributions ainsi que sur la nature des dépenses. Aussi ont-ils refusé de financer les opérations d’identification de la population conduites par l’entreprise française Sagem Sécurité. « Nous reprochons aux autorités le manque de transparence dans le choix de cet opérateur technique. Nous pensons que des pots-de-vin ont été versés et que la facture a été gonflée », explique un diplomate en poste dans le pays. Les institutions restent également sceptiques sur le choix du représentant de Sagem Sécurité à Abidjan, Sidi Mohamed Kagnassi, patron de L’Aiglon en Côte d’Ivoire. Les récentes pertes enregistrées par ce groupe dans la filière coton ainsi qu’à la Versus Bank n’offrent, selon elles, aucune garantie de sérieux. À Paris, la direction de Sagem Sécurité n’a pas souhaité faire de commentaires.

Au compte-gouttes
Encore plus intraitable : l’Italienne Maurizia Tovo, responsable du projet d’assistance postconflit de la Banque mondiale. Le 26 février, lors d’une rencontre avec les autorités ivoiriennes à Abidjan, elle a tout bonnement refusé que les 120 millions de dollars soient plus rapidement décaissés, comme le demandaient Ahoutou Koffi, directeur de cabinet du ministre de l’Économie et des Finances Charles Diby Koffi, et Paul Koffi Koffi, directeur adjoint du cabinet de Guillaume Soro. Afin de mettre en uvre son programme, l’institution a d’ailleurs préféré créer deux nouvelles structures (un centre de gestion et une agence financière) en lieu et place du Programme national de réinsertion et de réhabilitation communautaire (PNRRC) proposé par la Côte d’Ivoire. La Banque attend, en outre, que l’État ait apuré ses arriérés de paiement (66 millions de dollars). Ce à quoi s’est engagé le grand argentier Diby Koffi. Mais pas avant la fin de mars.
L’Union européenne, quant à elle, poursuit ses décaissements au compte-gouttes. Quelque 11 milliards d’euros sont prévus pour les audiences foraines, 6 millions d’euros pour la reconstitution des registres de l’état civil et 8 millions d’euros pour l’organisation et l’observation des élections. « On ne finance pas les symboles. Les pouvoirs publics doivent amorcer la pompe et chacune de nos dépenses est liée à une avancée significative du processus », ne cessent de marteler les bailleurs. Les autorités ivoiriennes savent désormais à quoi s’en tenir.

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