La civilisation de la santé
Publié le 3 mars 2008 Lecture : 2 minutes.
Je ne vais pas vous jouer la panne d’inspiration ni le trou noir de l’éditorialiste lessivé ! Ce serait mentir. Ça grouille dans ma tête et je ne sais par où commencer. Le monde bouge à une vitesse extraordinaire et chaque jour nous apporte son lot d’informations édifiantes, de faits divers insolites. Merci, entre autres, à Sarko, pourvoyeur de scoops devant l’Éternel. Voilà, en fait, ce qui m’a fait hésiter. Je m’étais dit, vas-y, essaie d’écrire, mais évite de parler de Sarko. Fais un effort, donne l’exemple aux journalistes qui ne savent plus carburer qu’à l’eau du robinet de l’Élysée. Parle d’autre chose, de ce que tu veux, mais pas de Sarko. Lâche-lui les baskets, comme dirait ta fille, il a été assez vu, assez vilipendé, quelques jours au placard, ça ne lui fera que du bien.
Je peux donc, à la place, vous relater des événements sympathiques et des fatwas loufoques. Ou bien, non – vous voyez, ça se bouscule sous ma plume -, aujourd’hui, nous allons nous fournir au rayon santé.
Alors, méditez cette publicité que je viens de retrouver dans des magazines pour filles, mes préférés, entre deux paragraphes sur une petite Afghane mordue par un taliban et un encadré sur Laetitia Casta effrayée par les loups : « Il faut consommer au moins cinq légumes et cinq fruits par jour. » Imaginez donc la tâche ! Et comment faire, d’abord ? Les ingurgiter selon quel ordre ? Quid du poids et de la qualité ? Avec ou sans OGM ? Avec ou sans verre de vin ? Et puis, il faut savoir compter : 5 + 5 = 10. « J’ai dit 10 », répète le nutritionniste, pas 11, ni 9. Pesez-moi ça. Et si je cale au bout du septième, docteur, est-ce grave ? Serai-je punie par le dieu de la santé ? Y a-t-il un risque que la Sécurité sociale se retourne contre moi ?
Maintenant, passons aux calculs – non pas ceux de la vésicule, la formule est garantie sans danger -, j’entends les pièces sonnantes et trébuchantes. Qui, en Afrique, va pouvoir se payer, tous les jours, cinq fruits et cinq légumes, quand on sait que beaucoup n’ont pas un grain de riz à se mettre sous la dent ? C’est indécent, cette pub ! Vous pouvez me répondre qu’elle est réservée aux gens du Nord, que le continent africain, on n’y a pas pensé, que la santé, ça concerne les gens civilisés – Rama Yade vous expliquera le sens du mot. Mais, là, je dis, c’est du racisme sanitaire !
Bon, admettons que seuls les Blancs peuvent s’octroyer les bénéfices de la santé, qui va leur payer les dix fruits et légumes ? Ce n’est pas donné, tout ça. Au marché où je vais le dimanche, j’ai compté : dans les 5 euros pour une seule personne. Multipliez par le nombre de membres de la famille, cela représente une sacrée somme ! Que peut faire une ménagère française pour remplir son cabas bleu blanc rouge ? Eh bien, c’est simple, il lui faut un pouvoir d’achat conséquent. Et qui lui a fait la promesse d’un pouvoir d’achat conséquent ? C’est ah, non ! Je m’étais juré de ne pas parler de lui !
